La vente par un particulier en difficulté financière

De plus en plus de propriétaires fonciers présentent des difficultés financières. Dans cette conjoncture, le notaire, chargé de la vente d’un bien immobilier, devra être particulièrement attentif à cette situation, notamment si le vendeur est concerné par une procédure de saisie immobilière ou de surendettement des particuliers.

LA VENTE DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE DE SAISIE IMMOBILIÈRE

Qu’est-ce que la procédure de saisie immobilière ?

La saisie immobilière est définie comme « la procédure d’exécution forcée qui permet au créancier muni d’un titre exécutoire de faire placer sous main de justice, moyennant un commandement de payer et la publication de celui-ci, un immeuble appartenant à son débiteur ou à un tiers détenteur et d’obtenir la vente du bien saisi en présence des per- sonnes saisies et des créanciers inscrits » (Vocabulaire juridique, Gérard Cornu). La saisie immobilière tend à la vente forcée de l’immeuble du débiteur ou, le cas échéant du tiers détenteur, en vue de la distribution de son prix (article L311-1 du CPCE).

Les effets de la procédure de saisie immobilière : le principe de l’indisponibilité du bien.

Le principe de l’indisponibilité du bien est posé par l’article L321-2 du CPCE qui dispose que « l’acte de saisie rend l’immeuble indisponible et restreint les droits de jouissance et d’administration du bien saisi ». Cet article poursuit en précisant que le débiteur « ne peut ni aliéner le bien ni le grever de droits réels ». En d’autres termes, à compter de la signification du commandement de payer valant saisie, les droits du débiteur sur son immeuble sont fortement affaiblis, lequel ne peut plus disposer librement de son bien.

Le notaire, chargé de la vente de l’immeuble, averti de cette situation, se doit alors d’être très prudent car tout contrat conclu en contravention avec le principe de l’indisponibilité est entaché de nullité. L’indisponibilité du bien peut toute- fois être écartée de deux manières : – Soit la vente amiable de l’immeuble est autorisée par le juge dans le cadre de la procédure de saisie. Le débiteur pourra alors signer tout avant-contrat et tout acte de vente sous réserve de respecter le prix et les conditions fixés par le juge.

– Soit le débiteur arrive à sortir de cette procédure de saisie en obtenant du créancier l’accord de main- levée du commandement de payer valant saisie.

Saisie immobilière et pratique notariale

•La vente amiable autorisée par le juge :
Lorsque la vente amiable a été autorisée par le juge, et aux termes de l’article L322-4 du CPCE, « l’acte notarié n’est établi que sur consignation du prix et des droits de la vente auprès de la Caisse des dépôts et consignations et justification du paiement des frais taxés ». Ainsi, avant de régulariser l’acte authentique de vente, le notaire devra :

– consigner à la CDC le montant du prix et des frais de la vente. Il devra, par la suite, effectuer une demande de déconsignation partielle auprès de la CDC pour percevoir ses émoluments et obtenir le versement des droits de mutation qu’il devra verser en vue de l’enregistrement et de la publication de l’acte ;

– justifier du paiement des frais de procédure, lesquels sont taxés par le juge dans le jugement d’orientation et sont à la charge de l’acquéreur.

Le notaire devra veiller à la conformité de l’acte qu’il dresse aux conditions fixées dans le jugement d’orientation car c’est aux termes de l’audience de rappel que le juge constatera la vente et prononcera la radiation des inscriptions. En effet, durant cette audience, et conformé- ment à l’article R322-25 du CPCE, « le juge s’assurera que l’acte de vente est conforme aux conditions qu’il a fixées, et que le prix a été consigné. Il ne constate la vente que lorsque ces conditions sont remplies ».

• La mainlevée du commandement de payer valant saisie
Rappelons que le débiteur et le créancier saisissant peuvent déci- der de sortir de la procédure de saisie pour procéder à la vente de l’immeuble lorsque le créancier a donné son accord à la mainlevée du commandement de payer valant saisie. Dans cette hypothèse, le notaire devra alors signer l’acte de mainlevée du commandement de payer valant saisie avant de procéder à la signature de l’acte authentique de vente.

Cependant, le notaire devra être prudent car, en fonction de l’avancée de la procédure de saisie, le seul accord du créancier saisissant ne sera pas suffisant. En effet, « au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant la délivrance de l’assignation au débiteur, le com-

mandement de payer valant saisie est dénoncé aux créanciers inscrits au jour de la publication du com- mandement » (article R322-6 du CPCE). Dès lors, tant que le com- mandement de payer valant saisie n’a pas été dénoncé aux créanciers inscrits, seul le créancier poursuivant doit consentir à la mainlevée. Après dénonciation, tous les créanciers inscrits au jour de la publication du commandement de payer valant saisie devront donner leur accord à la mainlevée.

LA VENTE DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE DE SURENDETTEMENT DES PARTICULIERS

Qu’est-ce que la procédure de surendettement des particuliers ?

Le surendettement se définit comme « l’endettement extrême d’un particulier débiteur de bonne foi ; plus précisément, nom donné par la loi du 31 décembre 1989 à la situation d’une personne physique qui, débiteur de bonne foi, est dans l’impossibilité manifeste de régler ses créanciers, et qui peut, à ce titre, bénéficier d’aménagements de ses paiements (report ou rééchelonnement, imputation sur le capital, réduction du taux d’intérêt…), mesures d’allégement proposées sous forme de règlement amiable, par une commission administrative saisie à son initiative ou imposée par le juge d’instance de son domicile, dans le cadre d’un redressement judiciaire civil » (Vocabulaire juridique, Gérard Cornu).

Les effets de la procédure de surendettement des particuliers

Lorsqu’un particulier bénéficie d’une procédure de surendettement, il conserve (sauf cas particulier de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire) son pouvoir de disposer de ses biens. Toutefois, le surendetté se voit tout de même soumis à une réglementation particulière et ne doit pas aggraver son endettement. Il devra respecter certaines obligations et notamment celle de demander une autorisation préalablement à toute vente. À défaut, non seule- ment le débiteur pourra être déchu du droit de bénéficier des procédures de surendettement des particuliers mais également l’acte de vente pourra encourir la nullité.

Surendettement et pratique notariale

Dans tous dossiers de vente, le notaire devra interroger le vendeur sur l’existence d’une procédure de surendettement et devra obligatoirement consulter le BODACC. Face à un vendeur surendetté, le notaire doit exiger de son client l’obtention d’une autorisation préalablement à la régularisation de l’acte de vente. La vente peut avoir été autorisée par la commission de surendettement aux termes du plan de surendettement. Mais, si cela n’est pas le cas, le vendeur surendetté devra adresser au juge du tribunal d’instance une requête afin d’obtenir l’autorisation de vendre.

Procédure de surendettement et saisie immobilière

Envisageons l’hypothèse d’une per- sonne dont l’immeuble a été saisi et qui bénéficie d’une procédure de surendettement. Selon l’article L.722-3 du Code de la consommation, la recevabilité du dossier par la commission de surendettement « emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ». Dès lors, la procédure de surendettement interrompt-elle les effets de la saisie immobilière ? Cette situation a été envisagée par le législateur aux termes de l’article L722-4 du Code de la consommation. En effet, lorsque la procédure de saisie est très avancée et que la vente forcée a été ordonnée, la recevabilité de la procédure de surendettement ne suffit pas à interrompre les effets de la saisie immobilière. À ce stade, seul le juge chargé de la saisie pourra décider de reporter la vente et uniquement si la commission de surendettement invoque des circonstances suffisamment graves pour justifier d’un tel report.

La mise en œuvre de cette disposition a été précisée par la 2e chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 septembre 2019 (n° 18-15.547). En l’espèce, l’immeuble d’un couple a été saisi par une banque et le juge de l’exécution, chargé de la saisie, a rendu, en janvier 2017, un jugement d’orientation par lequel il a ordonné la vente forcée du bien. Les débiteurs saisis ont fait appel de ce jugement. Puis, en juillet 2017, le juge du surendettement a déclaré recevable leur demande pour l’ouverture d’une procédure de surendettement.

La Cour d’appel, saisie du recours formé contre la décision du juge de l’exécution ayant ordonné la vente forcée, a estimé que l’ouverture de la procédure de surendettement suspendait la procédure de saisie immobilière, la décision ordonnant la vente forcée n’étant pas passée en force de chose jugée. La Cour de Cassation a censuré l’arrêt d’appel en rappelant que « lorsque la décision de recevabilité d’une demande de traitement de la situation financière du débiteur intervient après que la vente forcée d’un bien immobilier lui appartenant a été ordonnée par un jugement d’orientation, exécutoire de plein droit nonobstant appel, le report de la date d’adjudication ne peut résulter que d’une décision du juge chargé de la saisie immobilière, saisi à cette fin par la commission de surendettement des particuliers, pour causes graves et dûment justifiées ».

Ainsi, dès lors que le juge de l’exécution a ordonné la vente forcée de l’immeuble, la procédure de surendettement ne permet plus de « geler » automatiquement la procédure de saisie immobilière, et ce bien que la décision du juge chargé de la saisie ait fait l’objet d’un appel.

Me Inès NAUD, notaire à Saint-André-de-Cubzac.

Sources
Nota-Bene : décembre 2019 / n° 244 « Saisie immobilière et radiation des inscriptions » – Myriam Cazajus
Nota-Bene : juin 2018 / n° 230 « La mainlevée du commandement de payer valant saisie » – Myriam Cazajus et Virginie Lafargue
Nota-Bene : juin 2018 / n° 230 « Le principe d’indisponibilité du bien saisi : pièges à déjouer par le notaire rédacteur en cas pratiques » – Virginie Lafargue
Nota-Bene : juin 2018 / n° 230 « La vente de l’immeuble saisi dans la procédure de saisie (1/2) La vente amiable autorisée par le JEX » – Myriam Cazajus et Virginie Lafargue
Nota-Bene : octobre 2019 / n° 242 « Contentieux du surendettement et pratique notariale » – Myriam Cazajus
Nota-Bene : juin 2016 / n° 212 « La vente de l’immeuble par le particulier surendetté : l’exigence d’une autorisation préalable » – Myriam Cazajus et Bernard Saintourens
Revue de Droit bancaire et financier, n° 6, novembre 2019, comm.201
« Surendettement et saisie immobilière » – Stéphane Piedelièvre

 

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