L’aménagement des régimes matrimoniaux

Que ce soit avant le mariage par voie de contrat de mariage ou au cours de l’union par voie d’un acte de modification de régime, l’aménagement des régimes matrimoniaux s’envisage de manière large et plus souple depuis la loi du 23 mars 2019 autorisant tout aménagement immédiatement après le mariage ou après un précédent aménagement, là où une durée de deux ans devait être observée auparavant avant toute (autre) modification. À noter que le contrat de mariage est désormais enregistré gratuite- ment depuis le 1er janvier 2020 lorsqu’il ne donne pas lieu à un droit proportionnel ou progressif.Le notaire, chargé de recevoir personnellement ces actes dits « solennels », est le guide privilégié de l’aménagement des régimes matrimoniaux qui doit ainsi répondre aux objectifs privés et professionnels du couple tout en étant conforme à l’intérêt de la famille.

L’AMÉNAGEMENT DU RÉGIME PAR L’ADOPTION D’UN RÉGIME CONVENTIONNEL

Le régime matrimonial légal, applicable à défaut de contrat de mariage, est celui de la communauté des biens réduite aux acquêts composée exclusivement des biens acquis pendant le mariage à l’exception des biens recueillis par donation ou succession. Ce régime légal coexiste avec quatre régimes conventionnels qui constituent la première manière d’aménager son régime.
Deux régimes conventionnels communautaires que sont : le régime de la communauté des biens meubles et acquêts (ancien régime légal français) faisant entrer en communauté, outre les acquêts du régime légal, la totalité du patrimoine mobilier (même acquis avant le mariage ou par donation ou succession) et le régime de la communauté universelle faisant entrer en communauté tous les biens du couple à l’exception des biens propres par nature de l’article 1402 du Code civil. Deux régimes conventionnels séparatistes qui pourront être conseillés en cas d’exercice par l’un des époux d’une activité professionnelle risquée afin de protéger le patrimoine de son conjoint : le régime de la séparation de biens permettant aux époux de conserver l’administration, la jouissance et la libre disposition de leurs biens personnels (une « société d’acquêts » pouvant toutefois être adjointe à ce régime afin de constituer une « poche » de communauté) et le régime de la participation aux acquêts fonctionnant comme un régime de séparation pendant le mariage, tout en permettant à chaque époux, à la dissolution du mariage, de participer aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.

L’AMÉNAGEMENT DU RÉGIME AU MOYEN DES AVANTAGES MATRIMONIAUX

Les époux peuvent aussi souhaiter conserver leur régime matrimonial tout en y prévoyant des avantages matrimoniaux. Ils forment la seconde manière d’aménager son régime matrimonial.
À noter que seul le régime de communauté ou de société d’acquêts adjointe à une séparation de biens permet de prévoir les avantages matrimoniaux suivants, qui répondent majoritairement au double objectif d’augmenter les droits du conjoint dans la communauté et de limiter une indivision successorale sur certains biens déterminés :

– clause d’apport d’un bien propre à la communauté,
– clause de partage inégal au profit du conjoint survivant qui recevra par exemple 2⁄3 de la communauté au lieu de la moitié,
– clause d’attribution de la totalité ou de l’usufruit de la moitié de communauté,
– clause de préciput permettant au conjoint survivant de prélever sans contrepartie sur la communauté un ou plusieurs biens déterminés de son choix en pleine propriété ou en usufruit (par exemple la résidence principale) ou encore
– clause de prélèvement moyennant indemnité.

En régime de participation aux acquêts, les époux peuvent convenir d’une clause de partage inégal ou bien stipuler que le survivant d’eux aura droit à la totalité des acquêts nets faits par l’autre.

Lorsque le défunt ne laisse que des enfants communs, les avantages matrimoniaux ne constituent pas des libéralités : le conjoint en bénéficie en plus de ses droits successoraux. En conséquence et sur le plan fiscal, le conjoint survivant (aujourd’hui exonéré de droit de suc- cession) en bénéficie sans paiement de droits de suc- cession ce qui serait le cas également en cas d’évolution défavorable de la fiscalité successorale à son égard.

LES LIMITES À L’AMÉNAGEMENT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX

La dissolution du régime pour cause de divorce tend à poser les premières limites de l’aménagement des régimes matrimoniaux. L’article 265 alinéa 2 du Code civil prévoit lui-même que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux ». À noter qu’en qualifiant d’avantage matrimonial (révocable par le divorce) une clause d’exclusion de biens de la liquidation en cas de divorce prévues par des époux dans leur régime de participation aux acquêts, la Cour de cassation (décision du 18 décembre 2019) serait susceptible de fragiliser l’avenir de la convention des époux quant à l’aménagement en cas de divorce. Il est toutefois possible pour les époux de prévoir une clause de reprise d’un apport de bien en communauté ou d’indemnisation à raison de cet apport ou encore une clause permettant un retour au partage par moitié de la communauté en cas de divorce.

Il est également possible de limiter tout simplement les droits d’un conjoint, quelle que soit la cause de dissolution du régime, en prévoyant une clause d’exclusion d’un bien commun de la communauté au profit de l’un seulement des époux ou bien une clause de partage inégal ou de préciput ne profitant qu’à l’un seulement des époux.

Les limites peuvent également se trouver en la présence d’enfants non communs. Dans ce cas, les avantages matrimoniaux deviennent des libéralités susceptibles d’atteindre la réserve héréditaire des enfants. Le risque est celui de l’exercice d’une action en retranchement, qui peut être combattu notamment au moyen des aménagements suivants :

– une communauté universelle prévoyant une clause d’attribution intégrale en usufruit seulement (et non en pleine propriété) ou une clause de reprise des apports par les enfants non communs à concurrence de leur part de réserve, si ce n’est le recours à la clause de prélèvement moyennant indemnité susvisée ou bien encore – le régime légal avec clause d’attribution intégrale des acquêts au survivant si le patrimoine propre de l’époux ayant des enfants non communs suffit à remplir la réserve des enfants.

L’ÉVOLUTION DES FORMALITÉS DE L’AMÉNAGEMENT DES RÉGIMES MATRIMONIAUX APRÈS LE MARIAGE

La loi du 23 mars 2019 est venue améliorer la protection des personnes vulnérables en prévoyant une notification aux personnes assurant la mesure de protection d’un enfant majeur protégé ou mineur sous tutelle. En présence d’enfant mineur sous administration légale, l’homologation par le juge des tutelles des mineurs n’est plus systématique et est laissée à l’appréciation du notaire chargé de déterminer s’il existe un risque pour les intérêts patrimoniaux d’un mineur nécessitant alors la saisine du juge des tutelles du tribunal judiciaire compétent.

La notification aux enfants majeurs ainsi qu’aux per- sonnes partie au contrat de mariage initial est toujours de mise, de même que la publication de l’aménagement dans un Journal d’Annonces Légales à l’attention des créanciers. En l’absence d’opposition dans un délai de trois (3) mois à compter de la réception de la notification ou de la publication de l’avis (ce délai étant susceptible d’être exceptionnellement et temporairement prorogé dans le cadre du contexte de crise sanitaire actuelle), un certificat d’absence d’opposition est établi par le notaire et remis aux époux. Leur changement devient définitif et rétroagit au jour de la signature de l’acte authentique. En présence d’opposition, le changement de régime matrimonial doit être homologué par le juge compétent et ne produira ses effets qu’à compter de l’homologation. La mention de l’aménage- ment de régime matrimonial doit figurer en marge de l’acte de mariage des époux.

Les deux visages de l’aménagement des régimes matrimoniaux, ses limites ainsi que la spécificité des formalités y attachées mettent en lumière tout l’intérêt de l’accompagnement du notaire dans cette opération. Un accompagnement indispensable et sur mesure à l’aune de la recrudescence des recompositions familiales et des changements professionnels, mais encore compte tenu de l’évolution de nos décisions judiciaires.

Me Charlène BARON notaire à Saint-Médard-en-Jalles.

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