Les conséquences d’une construction irrégulière

L’acquisition d’un bien immobilier, compte-tenu de l’engagement financier majeur qu’il implique, représente, de nos jours, un enjeu important. Afin d’éviter de grandes désillusions, de nombreux points sont à vérifier avant de s’engager. Parmi ceux-ci, se pencher sur la question de la conformité de la construction au regard des règles d’urbanisme n’est pas à négliger. Au-delà du potentiel acquéreur, soucieux de la sécurisation juridique de son investissement, les développements qui suivent intéresseront également le propriétaire désireux de vendre son bien immobilier au meilleur prix.

Qu’est-ce qu’une construction irrégulière ?

Il fut un temps où les caractéristiques des constructions n’étaient limitées que par les capacités techniques de leur époque et les capacités financières de leur auteur. Puis, organisant la vie en société, la règle de droit est venue progres- sivement réglementer le domaine de la construction, comme dans tant d’autres secteurs. De nos jours, différentes règles législatives et réglementaires, s’appliquant tant à l’échelon national que local, viennent fixer les prescriptions applicables aux constructions. Toute construction ne respectant pas ces règles sera dite « irrégulière », ce qui pourra entraîner un certain nombre de conséquences, qui peuvent s’avérer fâcheuses pour son propriétaire. En pratique, l’outil de l’autorité administrative pour s’assurer du respect des règles d’urbanisme sont les autorisations d’urbanisme (par exemple le permis de construire ou la déclaration préalable). Tous travaux de construction d’un ouvrage, ou modifiant une construction existante, doivent être précédés par l’obtention d’une autorisation d’urbanisme, sauf ceux expressément et limitativement exemptés. Ainsi, un premier cas d’irrégularité apparaît clairement : les travaux réalisés sans obtention d’une autorisation d’urbanisme seront irréguliers. Ce sera le cas, par exemple, d’une maison édifiée sans permis de construire, que celui-ci n’ait pas été sollicité, qu’il ait été refusé par l’autorité administrative, ou encore qu’il ait été annulé ou retiré.

Un second cas d’irrégularité, moins connu, n’est pas à négliger : les travaux réalisés, pourtant précédés d’une autorisation d’urbanisme, seront frappés d’irrégularité, si leur réalisation ne respecte pas les prescriptions de l’autorisation d’urbanisme obtenue. Cela sera le cas, par exemple, d’une maison construite d’un étage sur rez-de-chaussée, alors que le permis de construire avait été obtenu pour la réalisation d’une maison élevée d’un simple rez-de-chaussée.

Comment déterminer la régularité ou l’irrégularité d’un bâtiment ?

Tous travaux soumis à l’obtention préalable d’une autorisation d’urbanisme doivent donner lieu, après leur réalisation, au dépôt, auprès de l’autorité administrative (en pratique, auprès de la mairie du lieu de situation de l’ouvrage), d’un formulaire dénommé « déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux » (souvent désignée par son acronyme DAACT). Par le dépôt de ce formulaire, le maître de l’ouvrage atteste, auprès de l’autorité administrative, l’achèvement des travaux, et ce en respectant les prescriptions de l’autorisation d’urbanisme qu’il avait obtenue, c’est à dire en conformité avec cette dernière. L’autorité administrative dispose alors d’un délai (pouvant aller de 3 à 5 mois), pendant lequel elle peut vérifier et, le cas échéant, contester la conformité des travaux réalisés au regard de l’autorisation d’urbanisme obtenue. À défaut de contestation à l’expiration de ce délai, les travaux seront réputés conformes, et donc réguliers. En pratique, il est donc extrêmement important pour tout futur acquéreur, afin de vérifier la régularité de la construction qu’il envisage d’acquérir, de se faire communiquer, par le propriétaire de l’immeuble (et, en cas de doute, après vérification auprès de la mairie du lieu de situation de l’immeuble), tous documents permettant de justifier du respect des règles d’urbanisme, c’est-à-dire :

– la (ou les) autorisation(s) d’urbanisme délivrée(s), permettant de s’assurer que les travaux de construction initiale et/ou les travaux postérieurs ont bien été précédés d’une autorisation. À cet égard, il est important de pouvoir consulter l’intégralité de l’autorisation, en ce compris les pièces graphiques ;

– la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux portant accusé de réception par l’autorité administrative, ainsi qu’un justificatif écrit, émanant de ladite autorité administrative, attestant de l’absence de contestation de la conformité des travaux dans le délai légal. Ceci, afin de vérifier que les travaux réalisés l’ont bien été en conformité avec l’autorisation délivrée.

Ces vérifications réalisées, l’immeuble désiré peut s’avérer une construction irrégulière. Se pose alors la question de l’opportunité de l’acquisition d’un tel bien. La prise de décision passe nécessairement par la connaissance et l’acceptation des sanctions pouvant résulter de cette irrégularité.

Quelles conséquences pour le propriétaire d’une construction identifiée comme irrégulière ?

Pour répondre à cette question, analysons les sanctions encourues par une construction irrégulière.
Nous pouvons les classer en trois ordres :

• Sanctions pénales :

Le fait de réaliser des travaux sans avoir obtenu d’autorisation d’urbanisme, ou en contradiction avec les prescriptions de l’autorisation d’urbanisme obtenue constitue un délit, susceptible d’être poursuivi à ce titre devant les juridictions pénales. De manière pratique, les sanctions peuvent consister en une amende, pouvant aller jusqu’à un emprisonnement en cas de récidive, ainsi qu’en l’obligation (laquelle peut être prononcée sous astreinte ou même exécutée d’office) de mise en conformité de l’ouvrage avec l’autorisation obtenue, ou sa démolition s’il a été édifié sans autorisation. À noter que ces dernières sanctions, de mise en conformité ou de démolition suivent le bien, et doivent donc être exécutées par le nouveau propriétaire, en cas de vente.

Le délai de prescription de l’action pénale est fixé à 6 ans à compter de l’achèvement des travaux, c’est- à-dire à compter du jour où les constructions sont en état d’être utilisées conformément à l’usage pour lesquelles elles sont destinées. À noter que la date de l’achèvement s’apprécie concrètement, et sa preuve peut être apportée par tous moyens. Par conséquent, en pratique, dans l’hypothèse où ce délai serait susceptible d’être prescrit, il convient de s’en assurer par la production, par le propriétaire, de tout élément permettant de justifier de la date de l’achèvement des travaux.

• Sanctions civiles :

Cela consiste en la possibilité pour un tiers subissant un préjudice personnel et direct du fait de la réalisation d’une construction irrégulière de saisir la juridiction civile en vue d’obtenir la réparation de son préjudice, soit par l’allocation de dommages-intérêts, soit même par la prononciation de la démolition de la construction aux frais du propriétaire. Cette action civile se prescrit par un délai de 5 ans à compter du jour où l’auteur du recours a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action. Également, la commune, ou l’établissement public de coopération intercommunale s’il est compétent en la matière, peut saisir la juridiction civile en vue d’obtenir la mise en conformité de l’ouvrage ou sa démolition.

Cette action civile de la personne publique se prescrit par un délai de 10 ans à compter de l’achèvement des travaux. Par conséquent, et a l’instar de ce qui a été dit ci-avant concernant l’action pénale, il est particulièrement important de s’assurer que l’action est prescrite, par la production, par le propriétaire, de tout document permettant de justifier de la date de l’achèvement des travaux.

• Sanctions administratives :

Les sanctions administratives sont en réalité des mesures de police administrative, et ont la particularité d’être imprescriptibles. Nous pouvons en décompter trois :

– Tout d’abord, une construction irrégulière peut se voir interdire le raccordement aux divers réseaux de distribution collective (eau, gaz, électricité…). Il est vrai néanmoins que cette sanction ne présentera que peu de conséquences pour l’acquéreur d’un bien irrégulier, mais d’ores et déjà raccordé aux divers réseaux.

– Ensuite, l’autorité administrative pourra refuser toute nouvelle demande d’autorisation d’urbanisme tant que l’immeuble sera irrégulier. Par conséquent, l’acquéreur d’un bien immobilier irrégulier doit savoir que l’évolution future de son bien peut se révéler bloquée. Par exemple, il peut se retrouver empêcher de réaliser une extension, une piscine…

– Enfin, en cas de destruction de l’immeuble suite à un sinistre, le propriétaire de l’immeuble ne pourra pas bénéficier du droit de reconstruire à l’identique, prévu par le code de l’urbanisme.

En effet, le droit de reconstruire, à l’identique, un bâtiment détruit suite à un sinistre, prescrit par le code de l’urbanisme, est subordonné à la condition que ce bâtiment ait été régulièrement édifié, c’est-à-dire en conformité avec une autorisation d’urbanisme. Cette sanction se révélera, en pratique, particulièrement importante dans l’hypothèse où le bien est situé dans une zone non constructible, ou appelée à devenir non constructible, telle qu’une zone agricole. Toute demande de permis de construire devant alors être refusée, l’acquéreur, devenu propriétaire, subissant un sinistre détruisant l’immeuble, ne pourrait alors plus reconstruire. Cette sanction peut également avoir pour conséquence corrélative des difficultés pour assurer l’immeuble.

L’irrégularité d’une construction, une situation irrémédiable pour son propriétaire ?

La jurisprudence, à de nombreuses reprises, a admis la validité d’autorisations d’urbanisme dites de régularisation, délivrées postérieurement à la réalisation de la construction. Autrement dit, une construction irrégulièrement édifiée, soit qu’elle n’ait été précédée d’aucune autorisation d’urbanisme, soit que sa réalisation ne respectait pas l’autorisation d’urbanisme obtenue, peut se voir valablement régularisée après coup, par l’obtention d’une autorisation d’urbanisme correspondant à la construction réalisée. Cette régularisation a posteriori aura pour effet de gommer les irrégularités de la construction, et permettra donc à son propriétaire, d’éviter l’application des sanctions précitées. Elle peut donc s’avérer rassurante pour le propriétaire d’un bâtiment irrégulièrement édifié. Toutefois, il faut garder à l’esprit que cette régularisation ne sera possible qu’à la condition que la construction réalisée respecte les règles d’urbanisme en vigueur lors de la demande de cette autorisation d’urbanisme de régularisation.

Par exemple, un bâtiment édifié sans autorisation au sein d’une zone non constructible, comme une zone agricole, ne pourra pas être régularisé a posteriori (sauf à entrer dans un cas d’exception au principe d’inconstructibilité). Le bâtiment restera donc considéré comme une construction irrégulière, et par conséquent sous la menace, pour son propriétaire, de se voir appliquer les sanctions sus-évoquées.

Maître Cédric CROUVEZIER, Notaire à Pessac

à lire également

RÉPARTITION DU PRIX DE VENTE D’UN BIEN DÉMEMBRÉ

Il arrive fréquemment que des immeubles soient détenus pour l’usufruit par des parents, et pour la nue-propriété par leurs enfants. Lorsque la décision est prise de vendre cet immeuble, le notaire avertira les vendeurs sur la question de la répartition du prix de vente, qui aura des incidences notamment sur le calcul de l’impôt sur la plus-value.

À VOTRE SERVICE – FRANCE BLEU – ME CHRISTOPHE LAPELLETERIE

Mercredi 17 avril, Me Christophe Lapelleterie a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

LETTRE AU MONDE RURAL – AVRIL

La rédaction du magazine est heureuse de vous faire partager la version dématérialisée de la Lettre du monde rural du mois d'avril.