Adopter l’enfant de votre conjoint

En moins d’un siècle, la famille a évolué. Si la cellule familiale dite « traditionnelle » que désigne un couple marié avec des enfants issus de cette union existe toujours, elle s’est estompée pour laisser place à de nouvelles structures familiales monoparentales, recomposées ou homoparentales. L’adoption vient consacrer les liens d’affection que le beau-parent a tissés avec l’enfant de son conjoint sous réserve de remplir certaines conditions.

LE CHOIX DE LA FORME D’ADOPTION
Pour commencer, il convient de distinguer les deux formes d’adoption : l’adoption plénière et l’adoption simple.
L’adoption plénière rompt par principe le lien de filiation avec la famille d’origine et crée un nouveau lien avec la famille d’adoption. Cette adoption est irrévocable. L’adoption plénière de l’enfant du conjoint n’est autorisée que dans les cas limitativement énumérés à l’article 345-1 du Code civil. La plupart du temps, elle concerne les enfants nés sous X, ou pupilles de la nation, ou encore ceux qui sont reconnus par un seul parent, mais pour lesquels aucune filiation n’est établie par un deuxième parent.
L’adoption simple ne rompt pas les liens avec la famille biologique (article 364 C. civ). Une fois qu’elle est prononcée, les deux liens de filiation coexistent : l’adopté a deux familles. Par principe, le nom de l’adoptant s’ajoute au nom de l’adopté. Il peut également le rem- placer. Il est aussi possible de demander au tribunal judiciaire un changement de prénom. Lorsque l’enfant adopté est l’enfant du conjoint, l’enfant peut conserver son nom d’origine. L’adoption simple créée une obligation alimentaire réciproque : chacun sera tenu d’aider financièrement l’autre s’il se trouve dans le besoin. L’adoption simple est en revanche révocable mais seulement pour des motifs très graves. Le nouveau lien de filiation perdurera après une éventuelle séparation du couple. Pour l’enfant mineur, seul le ministère public peut demander la révocation de l’adoption. La révocation fait cesser tous les effets de l’adoption, à l’exception de la modification des prénoms. Quelle que soit la forme, il s’agit donc d’un engagement très fort.

Le couple doit-il être marié ? La loi n’interdit pas d’adopter l’enfant de son partenaire ou de son concubin. L’adoption simple de l’enfant majeur du concubin ou du partenaire est possible. Cependant, lorsque l’adopté est mineur, il est à craindre que le juge rejette la requête en adoption.

En cas d’adoption plénière c’est uniquement en cas d’adoption de l’enfant du conjoint que le lien créé avec l’adoptant laisse néanmoins subsister la filiation d’origine avec le conjoint et sa famille (article 356 alinéa 2 C. civ). L’adoption plénière de l’enfant mineur du partenaire ou concubin aura théoriquement pour effet de « détruire » le lien avec le père et la mère de l’enfant. En cas d’adoption simple, qui ne détruit pas le lien de filiation d’origine, c’est en principe, l’adoptant qui est seul investi « de tous les droits d’autorité parentale » (article 365 C. civ). La seule exception concerne l’adoption de l’enfant de son conjoint, dans ce cas l’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint lorsqu’une déclaration conjointe est déposée au tribunal judiciaire. L’adoption simple de l’enfant mineur du partenaire ou de son concubin aurait pour effet de faire perdre au parent biologique qui y consentirait toute autorité parentale sur son enfant pour la transférer à l’adoptant, ce qui est contraire à l’intérêt de l’enfant. 

LES CONDITIONS À REMPLIR

Les conditions diffèrent en fonction de la forme d’adoption. D’abord, il existe une condition d’âge. L’adoption simple peut avoir lieu quel que soit l’âge de l’enfant adopté. Toutefois, s’il a plus de treize ans, il devra donner son consentement. S’il est mineur, il faut également le consentement du parent biologique vivant avec l’adoptant, mais surtout celui de l’autre parent, qui ne vit plus avec l’enfant (Article 348-3 du C. civil). Pour l’autre parent, la situation n’est pas toujours facile à accepter, ce qui explique pourquoi la plupart des adoptions simples ont en réalité lieu lorsque l’enfant est majeur. Ensuite, concernant l’adoption plénière, l’enfant adopté doit être âgé de 15 ans maximum et le juge statue favorablement seulement si l’adoption est dans l’intérêt de l’enfant. À cela s’ajoute que l’adoptant doit être âgé au minimum de 28 ans. Dans le cas où il n’a pas encore atteint cet âge, la loi exige que le couple soit marié depuis un minimum de deux ans.

Certaines conditions sont communes quelle que soit la forme d’adoption : que l’adoption soit simple ou plénière, les adoptants doivent avoir quinze ans de plus que l’enfant adopté. Cet écart est réduit à dix ans lors- qu’il s’agit de l’adoption de l’enfant de son conjoint.

CERTAINS CAS D’ADOPTION

Un enfant déjà adopté par un beau-parent ne peut être adopté par l’autre conjoint de son autre parent bio- logique. En effet, « adoption sur adoption ne vaut ». Cette prohibition a été confirmée par arrêt rendu par la Cour de Cassation en 2011 (Cour Cass, 1re civ. 12 janvier 2011 n° 09-16.527). A contrario, il est envisageable qu’au sein de la famille recomposée chacun des époux adopte de manière croisée le ou les enfants de son conjoint permettant ainsi de maintenir une certaine cohésion intrafamiliale.

LES AVANTAGES DE L’ADOPTION EN MATIÈRE SUCCESSORALE

L’adoption simple de l’enfant du conjoint peut avoir aussi un intérêt d’un point de vue fiscal. L’adopté à vocation à hériter dans ses deux familles. D’une part, il bénéficie des mêmes droits que les enfants biologiques de l’adoptant. Il obtient la qualité d’héritier réservataire vis-à-vis de ses parents adoptifs. Toutefois, l’adopté et ses descendants n’ont pas la qualité d’héritier réserva- taire à l’égard des grands-parents adoptifs, qui peuvent donc le déshériter.
Depuis 2016, l’enfant issu d’une adoption simple a les mêmes droits dans la succession que ceux adoptés par adoption plénière ou que les enfants biologiques. Cependant, d’un point de vue fiscal, l’adopté ne bénéficie des mêmes droits de succession que les autres enfants de l’adoptant que dans certains cas : l’enfant doit être issu d’un premier mariage du conjoint de l’adoptant, l’adopté doit être mineur au décès de l’adoptant ou si l’adopté est majeur au décès de l’adoptant, il doit avoir reçu des soins non interrompus par l’adoptant pendant 5 ans durant sa minorité ou 10 ans pendant sa minorité et majorité. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, l’adopté devra payer 60 % de droits de succession.

LE RÔLE DU NOTAIRE DANS L’ADOPTION DE L’ENFANT DU CONJOINT

Le premier rôle du notaire est de vous conseiller sur ce projet familial et de vous en expliquer les implications juridiques. Il recueille les consentements nécessaires : celui des parents d’origine d’un enfant mineur, du conjoint pour un majeur, et celui de l’adopté à partir de 13 ans. Après la phase préparatoire du recueil du consentement et la constatation de l’absence de rétractation de l’adoptant et de l’adopté, le notaire vous donne également toutes les explications sur la procédure devant se poursuivre devant le Tribunal Judiciaire.

Me Fanny RAYMOND, notaire à Léognan.

 

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