dans son intégralité. Il est prévu un abattement allant crescendo en fonction de l’âge du crédirentier au jour du versement du premier arrérage. Le taux d’abatte- ment est établi une fois pour toute en retenant l’âge du vendeur au jour de l’entrée en jouissance de la rente (article 158 6. du Code général des impôts).
Les arrérages de la rente devront être déclarés par le crédirentier et s’ajouteront pour le calcul de l’impôt aux autres revenus perçus par le crédirentier. Cette somme sera ainsi soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
DU CÔTÉ DU DÉBIRENTIER
– Imposition au niveau des droits de mutation
Le débirentier, en sa qualité d’acquéreur de l’immeuble, devra payer les droits de mutation au taux de droit commun en application de l’article 1594 D du Code général des impôts (5,806 %). Les droits de mutation seront calculés sur le prix de vente constitué par le bouquet auquel sera ajoutée la valeur de capitalisation de la rente.
– Imposition au niveau des revenus
Le débirentier ne peut pas déduire de son revenu imposable la rente qu’il a versée ; les arrérages versés n’étant pas considérés comme des intérêts déductibles. Toute- fois, le débirentier doit se soumettre à une obligation déclarative sous peine d’amende : il doit remplir tous les ans un imprimé n° 2 466 pour indiquer l’identité des bénéficiaires de la rente et les sommes payées au cours de l’année précédente.
En cas de revente de l’immeuble, le débirentier pourra être redevable de l’impôt sur la plus-value. Si la vente intervient alors que le crédirentier est encore en vie, le prix d’acquisition correspondra à la valeur du capital représentatif de la rente établie au moment de l’acquisition, majoré de la fraction du prix d’acquisition payé comptant. Dans le cas le plus courant, la vente inter- viendra après le décès du crédirentier. L’administration fiscale prévoit que le débirentier ait une option pour la détermination du prix d’acquisition : – soit on retient le prix de cession ayant servi à calculer la plus-value réalisée par le crédirentier ;
– soit si c’est plus favorable pour lui, le crédirentier peut choisir la somme des annuités versées, de la fraction du prix payé comptant et des frais d’acquisition réévaluée à l’aide des coefficients d’érosion monétaire.
Les impôts locaux
La taxe foncière sera due par le débirentier en sa qua- lité de propriétaire du bien, que le viager soit libre ou occupé. Une exception à cette règle existe dans l’hypothèse de l’usufruit où ce sera le crédirentier qui paiera la taxe foncière. En revanche, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères sera due par le crédirentier. Pour l’année de constitution de la rente, il sera prévu que le débirentier rembourse au crédirentier le prorata temporis de la taxe foncière.
La taxe d’habitation, étant due par l’occupant au premier janvier, ce sera le crédirentier qui en sera redevable en cas de viager occupé. Par contre, dans le cas d’un viager libre, le débirentier sera redevable de cet impôt dans l’hypothèse où il occupe le bien.
– DES DEUX CÔTÉS : LE RISQUE DE REQUALIFICATION FISCALE
Un parent, souhaitant transmettre un bien à ses proches, peut être attiré par la vente en viager car le régime fiscal de cette vente est plus avantageux que le régime fiscal en matière de donation. En effet, la vente en viager est soumise au paiement des droits d’enregistrement au taux de 5,806 % alors que la donation engendre des droits de mutation à titre gratuit qui peuvent se révéler important en fonction du degré de parenté de la personne gratifiée. Au-delà de la volonté d’éluder l’impôt, le recours à la vente en viager peut permettre à un parent d’avantager une partie de ses héritiers voire de déshériter certains de ses héritiers sanctionnant ainsi post mortem l’ingratitude subie de son vivant. C’est pour cette raison que l’administra- tion fiscale peut, en application de l’article L64 du livre des procédures fiscales, déclarer l’opération abusive (car fictive) et ainsi requalifier la vente en viager en donation déguisée. Divers indices seront retenus par l’administration fiscale pour caractériser l’existence d’une donation déguisée comme par exemple : la rente établie pour un montant anormalement bas par rapport à la valeur du bien vendu ; la renonciation du crédirentier aux sûretés habituellement demandées au débirentier ; le lien de parenté entre le crédirentier et le débirentier ; l’âge élevé du crédirentier et son état de santé précaire ; l’absence de bouquet. L’action de l’administration fiscale sera toutefois soumise au contrôle du Comité Consultatif de l’abus de droit fiscal qui peut tout autant considérer que l’administration fiscale était fondée à utiliser la procédure d’abus de droit qu’estimer que cet abus de droit n’était pas établi.
Si la fraude est caractérisée, le fraudeur devra s’acquit- ter de l’impôt qu’il aurait dû acquitter au moment de la fausse vente en viager et il devra verser au fisc une amende particulièrement lourde. En effet, dès lors que la fraude est établie, le taux de majoration de l’impôt est de 80 % et des intérêts de retard de 0,4 % par mois, décomptés à partir de la date à laquelle la donation présumée a eu lieu sur la base des droits éludés par le contribuable.
PEUT-ON VENDRE UN BIEN GREVÉ D’UNE RENTE ?
La revente d’un immeuble acquis moyennant le versement d’une rente viagère est possible. Il peut s’agir d’une vente amiable diligentée par le débirentier lui- même ou d’une vente judiciaire demandée par un créancier du débirentier (au moyen par exemple d’une saisie immobilière). Le crédirentier ne peut pas s’opposer à ladite vente sous prétexte que cette vente dimi- nuerait ses garanties.
La seule possibilité pour le crédirentier de s’opposer à la revente de l’immeuble est de demander dans l’acte constitutif de la rente viagère la stipulation d’une clause d’interdiction d’aliéner. Cette clause ne sera toutefois valable que si elle est temporaire (fixation d’un délai inférieur à la durée probable du crédirentier) et justifiée par un intérêt légitime et sérieux. Si le débirentier revend l’immeuble, le crédirentier pourra agir en nullité de la vente.
LORS DE LA REVENTE, IL FAUT DISTINGUER DEUX HYPOTHÈSES :
Le sous-acquéreur reprend la rente
Dans cette hypothèse, les textes légaux ne précisent pas, quand le sous-acquéreur reprend à sa charge le paiement de la rente, si le débirentier d’origine reste tenu au paiement de la rente.
– Si le débirentier d’origine n’est pas déchargé
Dans cette hypothèse, le crédirentier conserve ses droits contre le débiteur initial. Le crédirentier a désormais deux débiteurs. Il conviendra de déterminer dans l’acte si le débiteur initial reste le débiteur principal ou s’il devient un débiteur subsidiaire contre lequel le crédirentier pourra agir en cas de défaillance du sous-acquéreur. Le privilège de vendeur inscrit sur l’immeuble subsiste sur le bien ; l’acquéreur d’origine restant débiteur de la rente. Toutefois, il est tout à fait possible pour le sous-acquéreur d’obtenir la mainlevée du privilège de vendeur en proposant au crédiren- tier une nouvelle garantie (hypothèque sur un bien lui appartenant ou cautionnement).
– Si le débirentier d’origine est déchargé :
Il faut en premier lieu que le crédirentier consente à ce que le débirentier initial se substitue une autre personne et qu’il accepte de tenir cette substitution comme libératoire. Le crédirentier sera plus enclin à accepter cette substitution si la solvabilité ou les garanties du nouveau débiteur sont suffisantes.
Il faut ensuite constater aux termes de l’acte de vente le transfert de la dette. Ce transfert pourra se faire au moyen d’une novation (la nouvelle obligation se substitue à l’ancienne et l’éteint) ou d’une cession de la dette. Concernant le privilège de vendeur pris dans l’acte constitutif, la cession de la dette entraîne son extinction sauf si le débiteur d’origine consent à son maintien. Pour assurer la protection du crédirentier, il conviendra de prendre une nouvelle garantie à l’encontre du nouveau débiteur.
Le sous-acquéreur ne reprend pas la rente
Dans ce cas, le contrat d’origine n’est pas modifié. Le débirentier reste seul tenu du paiement de la rente et de ses majorations. Le crédirentier n’aura aucune action contre le nouvel acquéreur si le débirentier ne paie pas la rente. Pour protéger le sous-acquéreur, il sera nécessaire d’obtenir du crédirentier son accord pour la mainlevée de son inscription de privilège de vente. L’accord du crédirentier ne sera toutefois obtenu que si le débirentier lui offre une autre garantie pour le paie- ment de la rente (hypothèque sur un bien appartenant au débirentier, cautionnement d’un tiers par exemple).
COMMENT PREND FIN LA RENTE ?
La rente peut prendre fin de différentes manières :
L’extinction du contrat
De manière générale, le contrat prend fin à l’arrivée du terme contractuellement prévu, à savoir le décès du crédirentier. Ensuite, les parties peuvent contractuelle- ment s’entendre pour mettre fin au contrat. Le débirentier peut ainsi demander au crédirentier de mettre fin au contrat en lui proposant de racheter la rente (notamment s’il envisage de vendre l’immeuble). Cet accord peut également intervenir s’il arrive un dommage à l’immeuble (démolition entière de l’immeuble par suite d’un incendie). Enfin, l’extinction du viager pourra résulter du jeu de la prescription. C’est la prescription quinquennale qui s’applique à la rente viagère.
La résolution pour inexécution du contrat
L’article 1977 du Code civil prévoit que le crédirentier peut demander la résolution du contrat de vente dans l’éventualité où le débirentier ne lui donne pas les sûretés stipulées pour l’exécution du contrat. Le crédirentier devra apporter la preuve de la faute du débirentier par la non-délivrance des garanties promises ou par la diminution de ces garanties par la faute du débirentier. De manière générale, le contrat constitutif de la rente prévoit une clause résolutoire de plein droit après mise en demeure restée infructueuse pour sanctionner le défaut de paiement de la rente viagère par le débirentier. Il sera fréquemment prévu, qu’en cas d’annulation de la vente pour défaut de paiement de la rente, les arrérages perçus resteront acquis par le crédirentier à titre de dommage et intérêts.
L’annulation du contrat
L’article 1795 du Code civil prévoit que le contrat ne produira aucun effet lorsque « la rente a été créée sur la tête d’une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat ». Cet article subordonne la validité du contrat à l’existence d’un réel aléa. Par exemple, la mort brutale du crédirentier par suite d’un accident vasculaire cérébral imprévisible n’entre pas dans le champ d’application de l’article.
Pour que la nullité soit prononcée, il faut que deux conditions soit réunies :
– le crédirentier doit être atteint au jour du contrat d’une maladie entraînant son décès : la maladie s’entend d’une affection grave sans espoir de survie de la part du crédirentier. Il doit exister un réel lien de causalité entre la maladie dont est atteint le crédirentier et le décès de son dernier ;
– le décès du crédirentier doit intervenir dans un délai de vingt jours après la conclusion du contrat (date de la donation, date du compromis synallagmatique de vente sauf si les parties ont fait de la réitération de l’acte authentique un élément constitutif de leur consente- ment auquel cas le délai part à compter de la date de l’acte authentique). Les héritiers du crédirentier demandant l’annulation du contrat devront arriver à prouver l’état de santé du crédirentier (au moyen notamment d’une expertise judiciaire médicale) et le lien de causalité entre la maladie et le décès dans le délai légal. La jurisprudence admet que le contrat peut être annulé, alors même que le crédirentier serait décédé après l’expiration du délai légal de vingt jours, en s’appuyant sur le défaut d’aléa du contrat. Le seul fait que le débirentier (par exemple le médecin du crédirentier) ait eu connaissance de la gravité de l’état de santé du crédirentier (son patient) suffit à fonder l’absence d’aléa et à justifier l’annulation du contrat.