LE DÉROULEMENT D’UNE SUCCESSION VACANTE

Le règlement d’une succession peut s’avérer parfois complexe, notamment en ce qui concerne la recherche d’héritiers. Nous pouvons ainsi nous retrouver face à une succession à régler en l’absence même de manifestation d’héritiers. Il s’agit alors de l’un des cas d’ouverture d’une succession vacante. Même si ces situations sont moins fréquentes, il est toutefois important de bien connaître les cas d’ouverture et le déroulement de ce type de succession.

LA DISTINCTION ENTRE LA SUCCESSION VACANTE ET LA SUCCESSION EN DÉSHÉRENCE

Il convient tout d’abord de distinguer la succession vacante et la succession en déshérence. Une succession est en déshérence lorsque le défunt est décédé sans héritier ou qu’elle est abandonnée. En l’absence d’héritier, l’État peut revendiquer la propriété d’une succession. Lorsque l’État prétend à une succession abandonnée, il doit en demander l’envoi en possession au Tribunal de Grande Instance compétent (C. civ 811).

Le Domaine doit alors faire procéder à l’insertion d’un avis d’envoi en possession dans un journal d’annonces légales diffusé dans le ressort du Tribunal de Grande Instance compétent. Le Tribunal statuera sur la demande, après avis du ministère public, quatre mois après la réalisation de cette publicité. Le jugement acceptant l’envoi en possession matérialise le transfert de la succession à l’État. 

Dans cette hypothèse, il ne s’agit pas d’administrer provisoirement une succession (dans l’attente d’une manifestation des héritiers), mais de réellement liquider cette dernière. Étant ici précisé que la propriété de l’État sur la succession du défunt reste contestable pendant trente ans après le décès, soit par des héritiers, ou des légataires qui se feraient connaître après l’envoi en possession. Il s’agit alors d’une action en pétition d’hérédité.

La succession vacante est une succession qui n’a pas été réclamée ou acceptée par aucun héritier. Par extension, une succession vacante sera en déshérence dès lors qu’elle sera recueillie par l’État faute d’héritier connu ou acceptant.

• Les cas d’ouverture d’une succession vacante

Aux termes de l’article 809 du Code civil, la succession est vacante dans trois cas :

– L’absence d’héritier connu : personne ne réclame la succession et il n’existe pas d’héritier connu ;

– La renonciation à la succession : il existe des héritiers connus mais tous ont renoncé à la succession ;

– L’absence d’acceptation tacite ou expresse de la succession par les héritiers à l’expiration d’un délai de six mois à compter de l’ouverture de la succession.

Aucun de ces trois cas n’impose que tous les successibles, à savoir toutes les personnes qui peuvent être appelées à la succession, aient renoncé pour que la vacance de la succession soit déclarée. Malgré tout, le patrimoine du défunt doit être pris en charge et c’est alors à l’État de s’occuper de sa gestion et de sa transmission.

• La déclaration de vacance

La déclaration de vacance est prononcée par une ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance du lieu d’ouverture de la succession, à la requête de tout créancier, de toute personne qui assurait pour le compte du défunt l’administration de son patrimoine, de tout intéressé, du ministère public ou depuis le 20 novembre 2016, d’un notaire (C. civ, art. 809-1).

L’ordonnance confie provisoirement l’administration de la succession à un curateur qui est obligatoirement l’administration des domaines. Étant précisé que le service du Domaine compétant est celui du département du dernier domicile du défunt. L’ordonnance fait l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales pour informer les créanciers successoraux.

• La mission du curateur

L’objectif du curateur est de régler les dettes du défunt envers ses créanciers en procédant à la vente des biens jusqu’à l’apurement du passif de la succession. Le curateur est seul habilité à gérer le patrimoine du défunt.

Dès sa désignation, le curateur fait dresser un inventaire estimatif, article par article, de l’actif et du passif de la succession par un commissaire-priseur judiciaire, un huissier ou un notaire, ou par un fonctionnaire assermenté appartenant à l’administration chargée du Domaine (C.civ, art. 809-2). Ce qui permet de savoir si la succession est bénéficiaire ou déficitaire.

Cet inventaire est publié au même titre que la décision de curatelle.

Pendant les six mois qui suivent l’ouverture de la succession, le curateur ne peut procéder qu’aux actes purement conservatoires ou de surveillance, aux actes d’administration provisoire et à la vente des biens périssables (C.civ, art. 810-1). L’article 810-2 du même Code prévoit qu’à l’issue du délai de six mois précité, le curateur exerce l’ensemble des actes conservatoires et d’administration ; procède ou fait procéder à la vente des biens jusqu’à l’apurement du passif ; peut céder les immeubles si le produit prévisible de la vente des meubles apparaît insuffisant pour parvenir à cet apurement ; procède ou fait procéder à la vente des biens dont la conservation est difficile ou onéreuse, même si leur réalisation n’est pas nécessaire à l’acquittement du passif.

Quelle que soit la valeur des biens, le Domaine peut les faire vendre ou les vendre lui-même. La vente est faite selon les modalités qui apparaissent le plus appropriées, eu égard aux circonstances et à la nature des biens considérés (C. civ, art. 810-2). À ce sujet, l’article 810-3 du Code civil prévoit que la vente des biens de la succession est faite : soit par un officier ministériel ; soit par le tribunal judiciaire ; soit dans les formes prévues par le Code général de la propriété des personnes publiques pour l’aliénation, à titre onéreux, du domaine immobilier ou mobilier appartenant à l’État.

En ce qui concerne les meubles, ils peuvent faire l’objet soit d’une vente aux enchères publiques effectuée par un officier ministériel habilité, soit d’une adjudication effectuée par un agent assermenté du Domaine (commissaire aux ventes), soit d’une cession amiable.

• La fin de la gestion d’une succession vacante

Un compte rendu des démarches effectuées est alors transmis au Président du Tribunal judiciaire responsable de l’ordonnance de nomination. Aux termes de l’article 810-12 du Code civil, la curatelle prend fin : par l’affectation intégrale de l’actif au paiement des dettes et des legs ; par la réalisation de la totalité de l’actif et la consignation du produit net ; par la restitution de la succession aux héritiers dont les droits sont reconnus ; par l’envoi en possession de l’État. Cette mission terminée, deux cas de figure peuvent se présenter : des héritiers font valoir leurs droits et ils reçoivent alors le produit des actifs obtenus par le mandataire selon les règles successorales ; personne ne se manifeste et la succession revient alors à l’État.

Il est cependant possible pour un héritier qui découvre cette qualité de réclamer sa part à l’État. Il doit alors se manifester dans un délai de dix ans suivant le décès.

À défaut, l’héritier devra apporter la preuve qu’il avait accepté la succession avant l’expiration de ce délai.

 

Par Me Margaux BONNET

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