LA DONATION D’USUFRUIT TEMPORAIRE

L’usufruitier a le droit d’utiliser un bien, le louer, en percevoir les revenus, sans en être propriétaire. Ce droit est toujours temporaire et s’éteint au plus tard au décès de son titulaire. Il est cependant possible d’en prévoir l’extinction anticipée.

L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre (le nu-propriétaire) a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance (Article 578 du Code civil). L’usufruitier a donc le droit d’utiliser un bien, le louer, en percevoir les revenus, sans en être propriétaire. Ce droit est toujours temporaire ; il s’éteint nécessairement et, au plus tard, au décès de son titulaire. Il est cependant possible de prévoir l’extinction anticipée de l’usufruit, à une date déterminée.

Habituellement, lors d’une donation, les parents se réservent l’usufruit du bien donné, jusqu’au décès du survivant d’entre eux et donnent la nue-propriété aux enfants. Les parents conservent alors le droit d’utiliser le bien et d’en retirer les fruits. Les enfants deviendront pleins propriétaires, au décès du deuxième parent. L’un des freins à la réalisation d’une donation aux enfants est souvent caractérisé par la peur, pour les parents, de ne pouvoir faire face au coût important de la dépendance.

Si le bien est donné en nue-propriété aux enfants, à l’occasion d’une vente, les parents usufruitiers ne percevront qu’une faible partie de la valeur du bien déterminée selon les dispositions de l’article 669 du Code Général des Impôts.

Exemple :

La vente d’un bien donné en nue-propriété aux enfants, les parents ont moins de 81 ans révolus, ils ne percevront que 30 % du prix de vente, les enfants 70 %.

Paradoxalement, les parents manifestent le désir de vouloir aider matériellement leurs enfants. La donation d’usufruit temporaire permet de concilier ces différents objectifs. Elle consiste à ne donner que les revenus et l’usage du bien, pour une durée donnée. Vous pouvez ainsi donner les fruits d’un bien immobilier ou d’un portefeuille d’actions. La donation est effectuée par acte notarié. À l’issue de la durée fixée, les parents retrouvent la pleine propriété du bien, automatiquement, sans démarche à effectuer.

Cependant, une telle donation peut avantager économiquement un enfant, au détriment des autres enfants, point sur lequel il ne faut pas sous-estimer les conséquences civiles.

LES CONSÉQUENCES CIVILES

Lorsque les parents aident financièrement leurs enfants, il ne s’agit pas toujours d’une donation. Il peut s’agir, simplement, d’une obligation légale : l’obligation d’entretien ou l’obligation alimentaire vis-à-vis de ses enfants. En présence d’une donation d’usufruit temporaire, comme en présence de n’importe quelle autre donation consentie à un héritier, se pose la question du rapport à succession. (Le rapport à succession est l’opération préalable au partage, consistant dans la restitution, par un héritier, du bien donné par le défunt, afin de rétablir l’égalité entre les héritiers ou de contrôler le respect de la réserve héréditaire).

Une telle donation, sauf convention contraire, est par principe rapportable. La question délicate porte sur le montant à rapporter. L’article 860, alinéa 1er, du Code civil prévoit que le rapport est dû, de la valeur du bien donné, à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation.

En cas de décès du nu-propriétaire, après le terme de l’usufruit, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. L’usufruit n’existant plus, sa valeur est de zéro.

Exemple :

Un père a deux enfants étudiants. Afin de remplir son obligation d’entretien et d’éducation à leur égard, il donne au premier, pendant 5 ans, l’usufruit d’un appartement qui procure un revenu net de 1 000 euros et au second, une somme de 1 000 euros par mois. La donation consentie au premier enfant est rapportable mais à concurrence de zéro puisque le terme de l’usufruit est antérieur au décès. Pour le deuxième enfant, les sommes reçues au titre de l’obligation d’entretien et d’éducation ne sont pas rapportables. Les enfants se retrouvent donc dans la même situation.

Un père a deux enfants qui ne sont plus étudiants. Il donne au premier durant 5 ans, l’usufruit d’un appartement qui procure un revenu net mensuel de 1 000 euros par mois. Et à la seconde une somme de 1 000 euros par mois. Le père décède après le terme de l’usufruit.

La donation consentie au premier enfant est rapportable mais à concurrence de zéro puisque le terme de l’usufruit est antérieur au décès. En revanche, le deuxième enfant doit rapporter 60 000 euros (1 000 x 12 mois x 5 ans) à la succession du père (L’opération étant, dans ce cas, non pas réalisée au titre de l’obligation d’entretien et d’éducation mais à titre de donation).

Il y a donc un déséquilibre entre les enfants.

En cas de décès du nu-propriétaire, avant le terme de l’usufruit, il est rapportable selon sa valeur à l’époque du partage. Pour déterminer cette valeur, deux thèses, ici, s’opposent. D’abord la méthode « arithmétique », qui consiste à procéder simplement à l’addition des loyers encaissés. Cette méthode présente indéniablement l’avantage de la simplicité du calcul.

Elle présente en revanche des difficultés d’application sur le plan pratique lorsque l’usufruit a été constitué sur une longue période ; l’usufruitier va devoir justifier du montant des loyers encaissés sur toute la durée de son usufruit. Il risque même de devoir rapporter une valeur supérieure à la valeur du bien en pleine propriété à la date du décès si la donation est consentie sur une très longue durée ; il y a là une incohérence économique.

Une seconde méthode est envisageable, la méthode dite « financière », fondée sur une méthode purement économique. Il s’agit de procéder, par un calcul purement financier, à la capitalisation de l’usufruit sur une période déterminée qui tient compte de la valeur en capital du bien démembré, de la durée de l’usufruit, de l’espérance de vie de l’usufruitier et d’un taux de rendement prédéfini impacté d’une décote intégrant les aléas de la gestion et les charges supportées par l’usufruitier.

Dans l’hypothèse où la donation est stipulée rapportable (car elle peut aussi être consentie hors part successorale), la clause de rapport devra expressément prévoir la méthode d’évaluation pour éviter les aléas d’une interprétation a posteriori de la volonté des parties.

LES CONSÉQUENCES FISCALES

Sur le plan fiscal, la situation apparaît, ce qui peut paraître paradoxal, plus claire.

La valeur de l’usufruit à durée fixe est estimée à 23 % de la valeur en pleine propriété, pour chaque période de dix ans, sans égard à l’âge de l’usufruitier et aux dispositions de l’article 669 du Code Général des Impôts.

Exemple :

Lorsque l’usufruit d’un bien est donné pour une période de dix ans, à un enfant, l’abattement en ligne directe de 100 000 € permet d’échapper aux droits de donation en présence d’un bien dont la valeur ne dépasse pas 434 782 € (100 000 / 0,23 = 434 782,61 €). Le coût fiscal de l’opération est souvent faible.

Les revenus fonciers générés par le bien, dont l’usufruit appartient à l’enfant, sont imposables à son niveau, et ce pendant toute la durée de l’usufruit. Dès lors, en sa qualité de jeune actif ou même d’étudiant sans revenus (dès lors qu’il n’est plus rattaché au foyer fiscal de ses parents), c’est lui qui devient le redevable de l’impôt sur le revenu dans une tranche le plus souvent inférieure à la tranche marginale d’imposition de ses parents. Ainsi le disponible entre les mains de l’enfant est d’un montant supérieur à la pension alimentaire qui lui serait versée par ses parents, elle-même prélevée sur les loyers fiscalisés sur leur tête et dont les conditions de déductibilité sont très limitées. Plus la tranche marginale d’imposition des parents est élevée et plus le gain fiscal est important.

Les parents qui utilisent la donation d’usufruit temporaire bénéficient également d’un autre avantage fiscal, au titre cette fois de la fiscalité du capital. La constitution d’un usufruit temporaire au profit d’un enfant exclut ainsi du patrimoine taxable des parents le bien, pour le faire entrer dans celui de l’enfant, lui-même rarement taxable au titre de l’Impôt sur la Fortune Immobilière. L’économie fiscale réalisée va dépendre de la tranche marginale d’imposition des parents.

Les enjeux fiscaux d’une donation d’usufruit temporaire sont bien maîtrisés et le risque de requalification par l’Administration sur le fondement de l’abus de droit est limité dès lors que l’opération n’est pas fictive ; la fictivité sera exclue dès lors que le train de vie de l’enfant justifiera une aide financière de ses parents et surtout, en présence d’un bien loué, que les loyers seront réellement appréhendés par l’enfant.

 

Par Me Jean-Baptiste LIBERATORE

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