LA PROTECTION DU CONJOINT SURVIVANT EN PRÉSENCE D’ENFANTS NON COMMUNS

La famille évolue. A côté du modèle « ordinaire » réunissant un couple marié et ses enfants coexiste désormais la famille dite « recomposée », c’est-à-dire un couple marié vivant avec au moins un enfant dont un seul des conjoints est le parent. Cette famille crée des intérêts multiples et divergents. Intéressons-nous à la place qu’aura le survivant des époux à l’ouverture de la succession de son conjoint en présence d’enfants non communs et à la palette d’outils juridiques permettant d’optimiser sa protection.

1°/ Quels sont les droits légaux du conjoint survivant en présence d’enfants non communs ?

L’article 757 du Code civil dispose qu’en présence d’un ou plusieurs enfants non communs, le survivant des époux recueille le quart en pleine propriété des biens qui composent la succession. Il se voit priver de tout droit en usufruit.

Cette quote part en pleine propriété ne sera pas forcément suffisante pour lui permettre, par exemple, de se maintenir dans son cadre de vie. Ce sera le cas dans l’hypothèse où la valeur du logement familial serait supérieure au patrimoine auquel le survivant a légalement droit. Cette vocation légale entrainera donc inévitablement une indivision entre le conjoint survivant et ses « beaux-enfants ».

Les époux doivent également être conscients que le quart de la succession recueilli par le survivant reviendra ensuite non seulement aux enfants communs mais également aux enfants nés de la première union. Ainsi c’est une partie du patrimoine du défunt qui changera, pour partie, de branche familiale.

2°/ Existe-t-il une protection légale particulière du logement familial ?

La réponse est positive. Au décès du premier des époux, le conjoint survivant pourra occuper gratuitement pendant un an le logement familial (article 763 du Code civil). Ce droit temporaire au logement est d’ordre public.

Le conjoint survivant pourra également, s’il en fait la demande dans l’année du décès et s’il n’en a pas été privé par testament authentique, bénéficier d’un droit d’usage sur le mobilier garnissant le logement ainsi qu’un droit d’habitation sa vie durant et ce conformément à l’article 764 du Code civil. Ce droit est accordé si le conjoint survivant occupait effectivement à titre de résidence principale le logement au moment du décès et s’il appartenait aux deux époux ou personnellement au défunt. Il vient en déduction de ses droits et dans l’hypothèse où la valorisation du droit viager représenterait plus du quart de la succession, le conjoint n’aura pas à dédommager les héritiers (article 765 du Code civil).

Ainsi, le conjoint survivant se verra assurer un toit même en l’absence de disposition prise pour augmenter ses droits successoraux.

Enfin, à la différence d’un droit d’usage et d’habitation « classique », ce droit spécifique permettra, le cas échéant, au conjoint survivant de louer le logement en question afin de s’assurer des ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement (article 766 du Code civil).

3°/ Comment accroître les droits du conjoint survivant en présence d’enfants non communs ?

L’article 1094-1 du Code civil permet au moyen d’une donation au dernier vivant ou d’un testament de faire bénéficier au survivant de l’usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession ou de la pleine propriété du quart et de l’usufruit des trois quarts ou bien encore de la quotité disponible ordinaire (c’est-à-dire la moitié des biens de la succession en présence d’un enfant, le tiers des biens en présence de deux enfants et le quart des biens en présence de trois enfants et plus).

Aussi, par le jeu d’une donation entre époux, il peut être garanti au conjoint survivant une vocation successorale plus importante.

Dans le cas où l’époux ne voudra transmettre que des droits en usufruit, il conviendra néanmoins par testament de priver le conjoint de ses droits légaux. A défaut le conjoint survivant ne pourra conserver ses droits légaux et son usufruit universel.

Il faudra néanmoins être attentif à ne pas aboutir, sauf choix délibéré, à ce qu’une vocation en usufruit du survivant ait pour conséquence de priver, de fait, les enfants du premier lit de leurs droits dans la succession du fait d’un âge quasi identique avec leur « beau-père » ou « belle-mère ».

Il est admis, par ailleurs, qu’en présence d’une donation entre époux, le conjoint survivant ait la faculté de « cantonner », c’est-à-dire de ne se voir attribuer qu’une portion des droits issus de la donation entre époux.

Pour illustration, un époux choisissant l’option 100 % en usufruit n’aura pas l’obligation de se voir attribuer la totalité de«l’usus»etdu«fructus»desbiensde la succession : il pourra choisir l’étendue de cet usufruit et donc limiter son exercice aux seuls biens, par exemple, procurant des revenus nécessaires au maintien de son train de vie.

Cette faculté de cantonnement profitera alors aux autres héritiers puisqu’ils recevront les droits non pris par le conjoint survivant à sa place sans que cela soit regardé comme une donation.

En la matière, il n’existe donc pas de solution universelle. En effet, chaque famille « recomposée » est unique et commande une protection du conjoint survivant sur mesure qui devra intégrer plusieurs facteurs tels que l’âge de chacun, la situation de fortune, l’existence de tensions ou au contraire des relations familiales pacifiées.

Ce qui est en revanche plus sûr, c’est que la meilleure des protections commence par l’anticipation : n’attendez plus, consultez au plus vite votre notaire !

Me Louis GIRARDOT

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