L’intervention du juge pour un majeur incapable

La loi du 23 mars 2019 (loi n°2019-222) concerne notamment les majeurs placés sous un régime de protection tel que la tutelle ou la curatelle. Cette loi va avoir un impact sur les juridictions puisque celles-ci seront moins saisies aux fins d’autorisation préalable dans l’exercice des droits personnels des majeurs incapables. Le législateur a donc voulu assouplir le régime de protection en limitant l’intervention du juge pour certains actes.

I – ALLÈGEMENT DU CONTRÔLE PRÉALABLE DU JUGE DES TUTELLES EN MATIÈRE PATRIMONIALE

L’article 9 de la loi de programmation 2018- 2022 et de réforme pour la justice réduit les cas dans lesquels l’autorisation préalable du juge est nécessaire pour permettre à la personne chargée de la mesure de protection (c’est-à-dire le tuteur ou le curateur), d’accomplir seule, mais toujours sous surveillance générale continue du Juge et du Procureur de la République, des actes de nature patrimoniale.

Il découle de cette réforme qu’à compter du 25 mars 2019, date d’entrée en vigueur de la loi, l’autorisation préalable du juge n’est plus nécessaire pour les actes suivants :

• L’ouverture des opérations de partage amiable en matière de succession et d’in- division

• L’acceptation pure et simple d’une suc- cession bénéficiaire

• Les ouvertures de comptes bancaires, la clôture des comptes ouverts au nom du majeur dans sa banque habituelle, les autorisations aux fins de placements de fonds

• La souscription de conventions aux fins d’organisation des obsèques du majeur (jusqu’alors cette souscription était inter- dite)

• L’inscription au budget de la rémunération des administrateurs particuliers

• Le choix du gestionnaire de valeurs immobilières et instruments financiers du majeur incapable

II – AUTONOMIE DU REPRÉSENTANT DU MAJEUR PROTÉGÉ POUR LES ACTES LIÉS À L’INTÉGRITÉ CORPORELLE

Dans le cas d’une tutelle, curatelle ou de l’habilitation familiale, l’article 459 du Code Civil dans sa nouvelle rédaction précise que le majeur protégé est représenté par la personne en charge de la protection ou la personne habilitée, y compris pour les actes portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle. Il n’est donc plus nécessaire d’obtenir une autorisation du juge dans le cadre de soins médicaux par exemple. Le Juge ne sera saisi qu’en cas d’urgence ou de désaccord entre le majeur et son représentant ou pour les actes portant grave- ment atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne protégée.

III – AUTONOMIE DES MAJEURS POUR LES ACTES PERSONNELS

L’article 10 de la loi de programmation 2018- 2022 a pour objectif également de renforcer l’autonomie de la volonté des majeurs protégés pour les actes personnels tels que le mariage, le pacte civil de solidarité ou le divorce. Désormais, il n’y a plus d’autorisation préalable du juge, mais un droit d’opposition élargi de la personne chargée de la mesure de protection si elle estime que l’acte est contraire aux intérêts du majeur.

1°) s’agissant du mariage

Les majeurs protégés peuvent prendre la décision de se marier mais le dossier de mariage ne pourra être déposé qu’après avoir informé la personne chargée de la protection de leur projet, donc avant la publication des bans. (articles 460, 462 et 175 du Code Civil). Ainsi la personne chargée de la protection pourra apprécier les intérêts de la personne protégée et pourra, le cas échéant utiliser son droit d’opposition qui est élargi et aligné sur celui des parents de la personne protégée. Depuis l’entrée en vigueur de la loi les dossiers de mariage déposés en mai- rie doivent contenir le justificatif de l’information de la personne chargée de la protection par le majeur. Précision étant ici faite que le droit d’opposition de la famille du majeur protégé garde son plein effet et n’est pas remis en question par cette réforme. En cas d’opposition, le mariage ne pourra pas être célébré par l’Officier d’état civil à la date prévue.

La durée de l’opposition est d’une année, mais peut être renouvelée. En cas d’op- position, les époux pourront en solliciter la mainlevée auprès du Tribunal de Grande Instance qui devra statuer dans les 10 jours (article 177 du Code Civil). La saisine du Tribunal de Grande Instance est faite par voie d’assignation et la représentation par un avocat est obligatoire. Il convient de préciser que la personne chargée de la protection peut également saisir le juge des tutelles afin d’être autorisée à conclure un contrat de mariage au nom de l’époux protégé (article 1399 du Code Civil).

2°) s’agissant du Pacte Civil de Solidarité

Le majeur sous tutelle peut conclure un pacte Civil de solidarité sans autorisation préalable du Juge des Tutelles mais il devra être assisté pour la signature de la convention de PACS par le tuteur (article 462 al 1 et 2 du Code Civil). Le majeur sous curatelle signera la convention assistée de son curateur. Il en est de même en cas de la modification de cette convention.

3°) s’agissant du divorce

Le majeur protégé peut accepter seul, sans assistance et malgré un système de représentation à son profit, le principe de la rupture du mariage, sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Le divorce par consentement mutuel reste toujours inter- dit pour le majeur protégé. Le majeur en curatelle, avec l’assistance de son curateur, pourra exercer l’action lui- même. Le majeur en tutelle sera quant à lui représenté par son tuteur. Il convient de préciser que lorsqu’une demande de protection est déposée, aucune demande en divorce ne pourra être examinée avant la décision du juge des tutelles.

4°) s’agissant du droit de vote

Auparavant le juge qui ordonnait une mesure de tutelle privait automatiquement les majeurs en tutelle de leur droit de vote. Avec l’abrogation de l’article L.5 du Code Électoral, et la création de l’article L.72-1 du même code, la personne protégée pourra s’inscrire sur les listes électorales « personnellement ou par l’intermédiaire d’un man- dataire muni d’un mandat écrit ». La personne sous tutelle pourra donc voter elle-même ou donner procuration à un tuteur familial ou un proche, à l’exception des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, les employés ou bénévoles intervenant auprès du majeur protégé.

IV – L’HABILITATION FAMILIALE

• L’article494-5 du Code Civil se trouve modifié par cette loi en instaurant une passerelle entre les mesures de protection judiciaire et l’habilitation familiale. Cette passerelle donnera au juge la possibilité de proportionner et d’individualiser les mesures qu’il prononce.

• Les articles 494-3 et 494-11 du Code Civil prévoient que la personne vulnérable peut saisir le juge elle-même pour demander à être placée sous habilitation familiale ou obtenir la mainlevée de cette mesure.

Christel HOERTER, Notaire à La Teste-de-Buch

 

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