Bois et forêts

La forêt représente à ce jour un tiers du territoire français dont les trois-quarts appartiennent à des propriétaires ou à des groupements privés. Pour faciliter sa gestion, en évitant un morcellement territorial trop important, le législateur lui accorde un traitement particulier que ce soit au travers du droit de préférence des voisins en cas de cession de parcelles boisées de moins de quatre hectares, ou que ce soit en matière de trans- mission au travers de la fiscalité qui lui est réservée.

En effet, l’administration fiscale lui accorde une fiscalité allégée plu- tôt attractive depuis la loi Sérot du 16 avril 1930, modifiée en 1959 par l’amendement Monichon qui étend les dispositions de la « loi Sérot » aux mutations à titre gratuit.

Bien qu’actuellement toujours appelée « loi Sérot-Monichon », il est à noter que, depuis le 1er janvier 1999, seules les dispositions de « l’amendement Monichon » demeurent applicables. Celles-ci disposent qu’en cas de transmission à titre gratuit et sous certaines conditions, les bois et forêts ainsi transmis sont exonérés de fiscalité à hauteur de 75 %.

Ce dispositif fiscal concerne aussi bien les propriétaires forestiers en direct que les associés détenteurs de parts dans un groupement forestier, que ceux-ci souhaitent organiser leur transmission patrimoniale de leur vivant, par le biais d’une donation ou d’un testament, ou de façon passive au moment de leur succession puisque le régime bénéficie aux donataires, aux légataires et aux héritiers.

Il est important d’aborder le champ d’application du dispositif fiscal de la loi « Sérot- Monichon » pour ensuite évoquer les sanctions appliquées en cas du non-respect des conditions. Enfin, nous rappellerons que ce dispositif peut être renforcé par la mise en place d’un Pacte Dutreil.

Le champ d’application du dispositif fiscal réservé à la transmission des bois et forêt par la loi Monichon :

L’article 793 du Code Général des Impôts qui définit le régime fis- cal prévoit deux conditions pour les propriétaires en direct et trois conditions en ce qui concerne les associés d’un groupement forestier pour pouvoir bénéficier de l’allègement fiscal.

Les conditions liées aux propriétaires en direct, personnes physiques, pour bénéficier du régime de faveur :

Il est nécessaire pour les personnes physiques de réunir deux conditions, savoir :

– Obtenir de la direction départe- mentale des territoires et de la mer (DDTM), un certificat fiscal attestant que les bois et forêts sont susceptibles de présenter une des garanties de gestion durable prévues aux articles L. 124-1 à L. 124-4 et à l’article L. 313-2 du code forestier. Autrement dit, il est nécessaire de mettre en place un programme de coupe et travaux. Ce certificat est valable 6 mois.

Les donataires, héritiers ou légataires devront également s’engager :

– Soit à appliquer pendant 30 ans aux bois et forêts objets de la mutation l’une des garanties de gestion durable précitées ;

– Soit lorsque, au moment de la mutation, aucune garantie de gestion durable n’est appliquée aux bois et forêts en cause, mettre en place dans le délai de 3 ans à compter de la mutation et appliquer jusqu’à l’expiration du délai de trente ans précité une telle garantie. Dans cette situation, le bénéficiaire s’engage en outre à appliquer le régime d’exploitation normale prévu au décret du 28 juin 1930 aux bois et forêts pendant le délai nécessaire à la présentation de l’une des garanties de gestion durable. Les conditions liées aux associés d’un groupement forestier pour bénéficier du régime de faveur : Les parts ainsi transmises devront, outre les deux conditions visées précédemment pour les personnes physiques, savoir obtenir un certificat fiscal et s’engager à appliquer une gestion durable pendant 30 ans, avoir été détenues depuis plus de deux ans par le donateur ou le défunt, lorsqu’elles ont été acquises à titre onéreux pour pou- voir bénéficier du régime.

Ce critère de détention n’est pas nécessaire lorsque les parts ont été reçues à titre gratuit ou en cas d’apport pur et simple à l’occasion de la constitution du groupement pour pouvoir bénéficier du régime.

Les sanctions appliquées en cas de non-respect des conditions

Pour s’assurer que les conditions liées à la gestion durable soient respectées, le bénéficiaire de l’exonération devra présenter à la DDTM qui a délivré le certificat un bilan de mise en œuvre de la gestion tous les 10 ans.

Par ailleurs, l’exonération fiscale partielle est également subordonnée à la faculté laissée à l’administration aux termes de l’article 1929 du CGI d’inscrire sur l’immeuble objet de la mutation une hypothèque légale sur tout ou partie de ce bien garantissant ainsi le paie- ment des droits complémentaires et supplémentaires éventuellement exigibles en cas d’infraction.

Lorsque la défaillance du bénéficiaire est avérée, cela entraîne la déchéance du régime de faveur. En d’autres termes, les droits économisés dans le cadre du régime deviennent exigibles, auxquels s’ajoutent des droits complémentaires de 30%,20%ou10%sur lesdits droits suivant que la défaillance ait été constatée avant la 10e, 20e ou 30e année d’engagement. La déchéance peut être totale ou partielle. Dans ce dernier cas, l’exigibilité des droits ne portera que sur la superficie concernée. Conformément à l’article 1727 du Code Général des impôts, un intérêt de retard sera également perçu.

Pour autant les parcelles ainsi grevées ne deviennent pas inaliénables. Dans ce cas, il est important de veiller à ce que le cédant reprenne l’engagement du bénéficiaire-cessionnaire afin d’éviter la déchéance du régime et l’exigibilité des droits. Le notaire devra prêter une attention particulière à la reprise de cet engagement par l’acquéreur dans l’acte de cession. Les héritiers, légataires ou donataires du nouveau propriétaire pourront à leur tour bénéficier du régime d’exonération même si la période du premier engagement n’est pas expirée, un nouvel engagement de 30 ans commencera à courir.

L’opportunité de cumuler le dispositif fiscal de la loi Sérot-Monichon avec celui de la loi Dutreil

Bien que les conditions liées au cumul de ces deux dispositifs font que l’hypothèse soit plutôt marginale, il ne faut pas l’écarter pour autant.

Nous ne reviendrons pas sur les conditions exigées par l’administration fiscale pour la mise en place du Pacte Dutreil, celles-ci sont énumérées aux article 787 B et C du Code Général des Impôts. Nous ne faisons que souligner que ce cumul est possible pour les parts de groupement forestier. Il conduit à bénéficier d’une exonération de 25% des 25% de la valeur vénale des parts, soit une exonération de 93,75 %.

Pour conclure, rappelons que la loi Sérot-Monichon, tout comme la loi Dutreil, prévoit que l’exonération porte sur 75 % de la valeur vénale des biens transmis. S’agissant d’une quote-part d’exonération et non d’un abattement spécifique, ce dispositif n’a pas de limite de montant qu’il s’agisse d’un bien estimé à un millier d’euros ou d’un bien estimé à un million d’euros. Alors que les abattements fiscaux dont disposent les héritiers ou donataires ont été totalement épuisés, il pourrait être opportun d’envisager de diversifier son patrimoine en investissant dans des bois et forêts pour que ces derniers puissent bénéficier du dispositif fiscal de la loi Sérot-Monichon. Notons tout de même, que le 9 septembre 2019 plusieurs sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à réformer la fiscalité des successions et donations. Cette proposition prévoyait notamment l’abrogation de l’article 793 du Code Général des Impôts. Le 23 octobre dernier, la Sénat a exa- miné et adopté cette proposition de loi en supprimant l’abrogation du dispositif Sérot-Monichon. Après près de 90 ans d’application, le régime de faveur Sérot-Monichon demeure, facilitant ainsi la transmission de nos forêts et par voie de conséquence la gestion et la survie du massif forestier.

Me Julien VATSKIL, notaire à Salles

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