Droit de préemption urbain et cessions de parts de SCI

L’application du droit de préemption urbain aux cessions de parts sociales de société civile immobilière (SCI) est le fruit d’une évolution législative relativement récente, dont la dernière modification a été apportée par la loi ALUR du 24 mars 2014, codifié à l’article L 213-1 4° du Code de l’urbanisme.

QUEL EST LE CHAMP D’APPLICATION DU DROIT DE PRÉEMPTION URBAIN APPLIQUÉ AUX CESSIONS DE PARTS SOCIALES DE SCI ?

La loi ALUR du 24 mars 2014 est venue élargir considérablement le champ d’action du droit de préemption urbain. Les parts de sociétés civiles immobilières échappaient autrefois naturellement au DPU, puisque ce droit n’avait vocation à s’appliquer qu’aux immeubles et non aux meubles. L’objectif pour le titulaire du droit de préemption (communes ou établissements publics de coopération inter- communales) étant de pouvoir appréhender le foncier détenu par une telle structure sociétaire.
Sont désormais soumises au droit de préemption urbain, la cession de la majorité des parts d’une SCI ou d’une minorité conférant au cessionnaire la majorité du capital social dès lors que le patrimoine de cette SCI est constitué par une unité foncière. Les SCI familiales, c’est-à-dire constituées entre parents ou alliés jusqu’au 4e degré inclus sont exclus du dispositif. De plus, ledit droit de préemption urbain, tout d’abord cantonné au droit de préemption renforcé a été élargi au droit de préemption simple, ce qui étend d’au- tant plus son rayon d’action.

L’ÉTABLISSEMENT DE LA DÉCLARATION D’INTENTION D’ALIÉNER (DIA) PAR LES PRATICIENS :

L’imprimé CERFA au moyen duquel les praticiens purgent le droit de préemption urbain est exclusivement dédié aux immeubles. Par conséquent, aucune mention particulière relative au droit des sociétés, à la consistance des parts sociales, à la situation juridique et financière de la société ne s’y trouve. Le législateur a simplement étendu le champ d’action du droit de préemption urbain sans pour autant adapter son application aux spécificités mobilières et sociétaires des parts sociales de SCI. Ainsi, le rôle du praticien sera de sécuriser l’opération en amont, tant au regard du vendeur que du titulaire du droit de préemption. Afin de sécuriser l’exercice du droit de préemption urbain, le notaire rédacteur de la DIA pourra utilement communiquer en amont, en annexes de la DIA, un certain nombre de documents permettant au titulaire du droit de préemption de s’assurer de la santé financière et patrimoniale de la société civile immobilière (statuts, bilan comptable, nombre de parts sociales cédées, désignation du bien détenu par la société, usage et occupation).

LE NOTAIRE RÉDACTEUR DE LA DIA DEVRA DONC OFFRIR AU TITULAIRE DU DROIT DE PRÉEMPTION UNE DOUBLE LECTURE DE L’OPÉRATION :

D’une part, au niveau de l’information sur les parts sociales cédées, ainsi que sur la santé financière de la société dans laquelle le titulaire du droit de préemption va devenir associé (bilan comptable, statuts, état des nantissements, certificat de non-faillite).
D’autre part, au niveau de la désignation du bien détenu par la société (désignation, usage, occupation, droits réels ou personnels grevant le foncier). En effet, c’est bien l’immeuble détenu au moyen de la SCI qui est la finalité de l’opération de préemption.
On constate que l’imprimé CERFA actuel comporte de nombreuses lacunes et est inadapté pour purger un tel droit de préemption. Toutefois, le titulaire du droit de préemption urbain dispose du pouvoir de demander des pièces et informations complémentaires postérieurement à l’envoi de la DIA. Cela doit lui permettre de pal- lier aux carences législatives, ainsi que celles de l’imprimé CERFA de DIA.

Mais cela place le titulaire du droit de préemption dans une situation active : il doit se renseigner sur la qualité juridique et financière d’une société dont il se retrouvera associé. Une DIA incomplète et une mauvaise maîtrise du droit de préemption urbain par son titulaire pourraient avoir des conséquences négatives pour l’ensemble des parties à l’opération de cession de parts sociales.

LA QUESTION NON RÉGLÉE DE L’AGRÉMENT DES COASSOCIÉS :

Les cessions de parts sociales de sociétés civiles immobilières sont soumises à la procédure de l’agrément des coassociés, régi par les articles 1861 et 1864 du Code civil. Les coassociés doivent accepter l’entrée du nouvel associé dans la société. Une difficulté apparait donc : comment faire coexister le régime du droit de préemption (droit public) avec celui de l’agrément des coassociés (droit privé) ?
En effet, permettre aux autres associés (non-cédants) de la société de s’opposer à ce que l’entrée du titulaire du droit de préemption qui préempte une majorité des parts sociales de sociétés civiles immobilières, revient à vider substantiellement l’effet du droit de préemption urbain. Il suffirait alors aux associés de refuser l’agrément du nouvel associé (commune ou EPCI qui exerce son droit de préemption) pour s’opposer à la cession des parts sociales et se voir ouvrir un « droit de rachat » du bien préempté. Cette question n’est pas encore réglée par le législateur. Il semblerait logique que cet agrément soit écarté en pareil cas, eu égard à l’exercice d’une prér gative de puissance publique.

On constate donc que le droit de préemption urbain appliqué aux cessions de parts sociales de SCI, bien qu’inscrit dans notre législation mériterait d’être adapté et spécifié. Le rôle des praticiens, que sont les notaires sera donc de sécuriser l’ensemble de l’opération en amont, et ce pour l’ensemble des parties, afin de pallier à ces difficultés.

Par Quentin Delafraye, Notaire à Saint-Médard-en-Jalles.

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