MICRO-FORÊTS COMMENT S’ASSURER DE LEUR PÉRENNITÉ JURIDIQUE?

À la veille de la Semaine européenne du Développement Durable et alors que les plantations de micro-forêts se multiplient partout en France (notamment en Gironde) l’on peut aisément s’inquiéter de leur pérennité juridique qui ne semble pas encadrée.

Le concept de micro-forêt rencontre un spectaculaire engouement partout en France, sans doute propulsé par les dernières élections municipales. En effet, face à une forte demande sociétale, les maires des grandes agglomérations ont été les premiers à s’y intéresser, soucieux de verdir leurs espaces urbains et d’y rafraîchir l’air. La Métropole bordelaise n’est pas en reste avec une dizaine de micro-forêts en cours de plantation ou en train de prendre racine, principalement à Bordeaux mais aussi à Bruges, Floirac ou Mérignac.

Séduit par la démarche, je l’ai examinée avec un œil professionnel et en ai tiré plusieurs conclusions :

– Si l’on veut que l’impact sur l’air de nos villes s’accélère significativement, la plantation de forêts urbaines ne doit pas être laissée à la seule initiative des collectivités locales mais être reprise par le secteur privé. Les entreprises, promoteurs, résidences, lotisseurs, bailleurs sociaux, aménageurs, architectes, syndics mais aussi les particuliers devraient s’emparer du sujet au plus vite.


La pérennité juridique de ces plantations n’est pas acquise. Elle doit être encadrée par des clauses spécifiques et par l’application de textes en vigueur. Les notaires peuvent désormais puiser dans un fonds très riche issu du code civil, du code de l’environnement, de la charte de l’environnement, de la nouvelle « Obligation réelle environnementale » et de la jurisprudence. Ils peuvent s’appuyer sur des barèmes d’évaluation financière des arbres, tenir compte du coefficient de bio- tope par surface (CBS) instauré par la loi ALUR et sur toutes les décisions judiciaires récentes,

Une indéniable plus-value, en termes économiques mais également d’image pour les acteurs de l’immobilier. Ces micro-forêts viennent renforcer l’attractivité des villes et de l’habitat urbain car elles rejoignent les aspirations des Français : 8 Français sur 10 trouvent qu’il n’y a pas assez de végétal en centre- ville1, et 48 % 2 des millenials privilégieraient la nature dans leur « ville rêvée » (espaces verts, végétalisation…). Les notaires devraient accompagner ces initiatives et faire en sorte que leurs actes évitent qu’elles ne deviennent éphémères.

UN CONCEPT NÉ AU JAPON

Akira Miyawaki, botaniste japonais, est à l’initiative de ces micro- forêts. On lui en doit quelque 1 400 dans le monde entier. Il s’appuie sur l’idée qu’il est possible de recréer des forêts sur des sols dégradés, notamment urbains. Les plantations sont extrêmement denses (30 à 50 plants au m2) afin de favoriser la compétition entre les espèces et accélérer la pousse (les jeunes arbres doublent leur taille en un an, les trois premières années). On leur donne aussi le nom de « Forêts indigènes ou autochtones » car elles doivent être composées d’essences d’arbres locales. La surface minimale est de 100 m2.

UN MIRACLE ENVIRONNEMENTAL

Alors que 75 % de la population française résident en zone urbaine, les derniers épisodes de canicule ont mis l’accent sur la nécessité de régénérer un air devenu irrespirable. Les micro-forêts, sont tout à la fois un poumon dans la ville, un piège à carbone, un îlot de fraîcheur et une réserve de biodiversité. Ces petits espaces de verdure sont des éco- systèmes vivants qui attirent différents types d’oiseaux, des reptiles de petite taille, des insectes et des micro-organismes. Leurs essences locales variées les rendent 30 fois plus riches en biodiversité qu’une forêt mono-essence.

PÉRENNISER, OUI MAIS COMMENT ?

Devenue une préoccupation majeure depuis plusieurs années, la protection de l’arbre a pris une dimension cruciale au regard du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Parmi ses ardents défenseurs, on trouve Benoît Hartenstein, notaire lorrain et correspondant de l’association ARBRES. Son objectif est de « susciter l’intérêt du public au sujet de l’arbre et de son écosystème afin de participer à sa connaissance et à sa protection ». Son ambition est également de sensibiliser ses confrères à l’importance de leur rôle dans sa préservation. Il est essentiel que ceux qui prennent l’initiative d’en planter s’assurent de leur pérennité afin qu’elles puissent être transmises aux générations futures.

À titre d’exemples :

• Possibilité pour le vendeur d’un terrain, d’imposer à son acquéreur, la conservation d’arbres et de micro-forêts s’y trouvant. Cette clause, stipulée dans un acte nota- rié, a été validée par un arrêt récent de la Cour de cassation, le 6 juin 2019 (IIIe Chambre Civile),

L’obligation réelle environnementale, instaurée par l’article L.132-3 du Code de l’environnement, permet, par acte notarié, à tout propriétaire de faire naître, sur son terrain, des obligations de maintien, conserva- tion, gestion ou restauration d’élé- ments de la biodiversité, pour au maximum 99 ans.

Les notaires ont un rôle à jouer à plusieurs titres. En accompagnant le mouvement en tant qu’experts des questions immobilières, en rédigeant des clauses spécifiques et, grâce à leur connaissance des textes en vigueur comme de la jurisprudence, de les faire appliquer afin d’assurer la pérennité juridique des plantations.

Dominique Petit est l’un des notaires associés fondateurs de l’Étude Trois Rives (Bordeaux, Libourne) qui compte 25 collaborateurs dont 6 notaires associés.Depuis 2021, il est le correspondant en Gironde de l’Association « ARBRES », association loi 1901 qui agit pour la protection de l’arbre et de son écosystème. Convaincu à titre personnel de la pertinence des « forêts Miyawaki », et passant de la théorie à la pratique, Dominique Petit vient de planter l’une des toutes premières micro-forêts privées de la Métropole bordelaise, à Bruges, sur un terrain dont il est copropriétaire, au cœur d’une zone industrielle.

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