Cession de fonds de commerce et de fonds artisanal

Les activités de commerçant et d’artisan se distinguent l’une de l’autre par des caractéristiques propres. Si de prime abord on peut penser que le fonds de commerce et le fonds artisanal sont identiques, la nature de l’activité à exercer crée des différences notables. Ces différences vont notamment se retrouver dans le cadre de la cession du fonds par son propriétaire.

LA DÉTERMINATION DE LA NATURE DU FONDS

Sommes-nous en présence d’un fonds de commerce ou d’un fonds artisanal ? Telle est la question à se poser avant tout. Si dans certains cas la réponse est simple, dans d’autres, elle mérite de s’y attarder un peu. Pour déterminer la nature du fonds, il faut tout d’abord identifier le type d’activité exercée pour en ressortir une qualification. Le commerçant est une personne physique ou morale qui exerce à titre habituel des actes de commerce (art. L 121-1 du Code de Commerce). Ces-derniers sont détaillés aux articles L 110-1 et L 110-2 C.Com et correspondent notamment à de l’achat pour revente, à de la location de meubles ou à des opérations de banque. L’artisan exerce quant à lui une activité de production, de réparation ou de prestations de services et n’emploie pas plus de 10 salariés. L’artisan travaille de ses mains et offre ses services, il travaille dans une structure dont la dimension est « familiale ». L’ensemble des métiers de l’artisanat est regroupé dans la nomenclature d’activités françaises pour l’artisanat annexée à l’arrêté du 10 juillet 2008 publié au Journal officiel du 23 juillet 2008.

Le commerçant doit être inscrit au registre du commerce et des sociétés et l’artisan au répertoire des métiers. Attention toutefois, si l’artisan effectue des actes de commerce, en sus de son activité artisanale, il doit également s’inscrire au registre du commerce et des sociétés.
Il faut retenir néanmoins que la simple inscription au registre du commerce et des sociétés par un artisan n’a pas d’incidence sur la nature artisanale de son fonds et ne présume donc pas de l’application des règles propres aux cessions de fonds de commerce. Même si un artisan peut effectuer des actes de commerce, son fonds ne peut pas être mixte, c’est-à-dire à la fois être un fonds artisanal et un fonds de commerce. Il est ou l’un ou l’autre.
Pour qualifier la nature artisanale ou commerciale du fonds, il y a lieu de déterminer l’activité principale qui y est exercée. Un coiffeur vendant par ailleurs des produits de beauté reste un artisan et son fonds un fonds artisanal. La vente étant simplement un accessoire à son activité principale d’artisan. La détermination de la nature des activités et donc du fonds est importante. Néanmoins, ne pourrait-on pas considérer que ces fonds sont finalement identiques car représentant une entité économique pour leur propriétaire ? Ce n’est pas le souhait du gouvernement. Aux termes d’une réponse ministérielle Le Fur n° 85 682 publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 14 juin 2016, la ministre de la Justice répond, sur la possibilité d’aligner les régimes de cession des fonds de commerce et artisanaux. Sa réponse est négative, considérant que les artisans valorisent un savoir-faire spécifique et que la valeur de l’entreprise artisanale est intrinsèquement liée aux qualités individuelles. La spécificité de cette valeur en fait une richesse non négociable et non cessible. La cession du fonds artisanal est un régime de droit commun.

Quant au fonds de commerce, elle indique que sa notion juridique particulière et sa dimension économique supposent une réglementation particulière et contraignante afin de protéger la cession du fonds et les créanciers. Ainsi, selon la nature du fonds, la réglementation est différente. Et les obligations découlant de la cession d’un fonds de commerce ne seront pas applicables à la cession d’un fonds artisanal. Il sera néanmoins rappelé certains points essentiels applicables en toute hypothèse.

 

QUELQUES DIFFÉRENCES


La publicité de la cession
Selon l’article L 142-12 du Code de Commerce, toute cession d’un fonds de commerce doit, dans le délai de quinze jours, faire l’objet d’une publication dans un journal d’annonces légales et d’une insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Cette obligation n’existe pas en matière de cession de fonds artisanal, ce qui n’empêche pas les parties d’effectuer cette publicité de manière volontaire. La publication a pour intérêt de faire courir le délai d’opposition de dix jours des créanciers chirographaires, c’est-à-dire, les créanciers qui ne disposent pas d’une inscription (privilège de vendeur ou nantissement) sur le fonds vendu. Par cette opposition, les créanciers déclarent au domicile élu par les parties les dettes du cédant du fonds. En l’absence de publicité de cession du fonds artisanal, cela empêche les créanciers de faire opposition au prix de vente.

Les inscriptions à prendre sur le fonds
Le fonds de commerce et le fonds artisanal sont des biens meubles incorporels pouvant faire l’objet d’inscriptions à l’effet de garantir le paiement d’une dette. Les inscriptions pouvant être prises sont :
– le privilège de vendeur,
– le nantissement.
Ces deux sûretés sont des garanties offertes par le propriétaire du fonds, sans avoir à se déposséder de son bien et permettant de garantir le créancier contre le non-remboursement d’une dette. Le premier est le droit pour le vendeur, ou tout prêteur de deniers subrogé à ses droits, d’être payé par préférence aux autres créanciers sur le prix de vente du fonds. Cette inscription ne peut être prise que sur un fonds de commerce. Le nantissement quant à lui, peut être pris tant sur un fonds de commerce que sur un fonds artisanal. Il permettra au créancier prêtant son concours au financement d’un fonds artisanal de bénéficier d’une sûreté, puisque le privilège de vendeur n’est pas permis en la matière.

L’information préalable des salariés
Depuis la loi du 12 juillet 2014, il existe une obligation d’information des salariés sur la mise en vente du fonds afin de leur permettre, s’ils le souhaitent, de proposer une offre d’achat. La loi vise expressément les fonds de commerce, excluant donc de l’obligation d’information les cessions de fonds artisanaux.

 

DES POINTS COMMUNS


Les mentions en cas de cession
Dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce, antérieurement l’article L 141-1 du Code de commerce, prévoyait que l’acte de cession contienne diverses mentions obligatoires telles que par exemple le chiffre d’affaires et les résultats des trois derniers exercices comptables, les énonciations du bail, l’état des privilèges et nantissements… Cette obligation ne concernait pas la cession de fonds artisanal. Aujourd’hui néanmoins, avec cette abrogation de l’article L 141-1 du Code de commerce, applicable uniquement à la cession de fonds commerce, le législateur rapproche ladite.

 

Écrit par Me Vanessa MOULENQ

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