LE ZÉRO ARTIFICIALISATION NETTE : OÙ EN EST-ON ?
Les politiques d’urbanisation des villes et des campagnes évoluent, au gré des décisions politiques et de l’inclination, des gouvernements, à accepter, au sein de leurs politiques, la nécessaire prise en compte d’un aménagement durable.
Le temps des villes nouvelles est révolu et semble aujourd’hui en contradiction avec les besoins de la société, non en termes de logements, lesquels sont toujours aussi nécessaires qu’il y a cinquante ans, mais en termes d’utilisation et de consommation du foncier.
DES RISQUES ACCRUS
En effet, la population n’a jamais été aussi nombreuse sur notre territoire, et le nombre de logements disponible n’a jamais été aussi faible en comparaison du nombre d’habitants. Mais les modèles de construction massifs connus ces dernières décennies ne répondent plus aux besoins essentiels de notre société : vivre dans un cadre harmonieux, calme, apaisé, sûr, tempéré par une végétation absorbant nos excès et adapté à une vie collective.
L’urbanisation à outrance a également modifié les risques auxquels sont confrontés les propriétaires : les inondations, crues, et coulées de boues, exacerbées par l’imperméabilisation des sols et la bétonisation des espaces naturels, les feux de forêts liés à la proximité toujours plus importante de la ville ou de lieux de loisirs d’espaces à protéger, les constructions tous azimuts sur des terres inadaptées composées d’argiles, situées en dessous du niveau de la mer, ou dans des secteurs où l’eau est insuffisante pour desservir les lieux que l’on y crée.
LA SOBRIÉTÉ FONCIÈRE
Depuis les années 2000 a néanmoins commencé à poindre l’exigence de sobriété foncière.
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a fondé la politique du zéro artificialisation nette. Ainsi, à terme, la réalisation des projets supposera de ne plus artificialiser les sols sans compenser, c’est-à-dire sans apporter une mesure de renaturation équivalente à l’impact qu’aura eu le projet.
Deux lois ont été adoptées les 22 août 2021 et 20 juillet 2023, témoignant des enjeux politiques. Deux décrets sont parus le 29 avril 2022 puis trois le 27 novembre 2023, illustrant les difficultés techniques d’application.
OBJECTIF 2050
La France s’est ainsi fixé l’objectif d’atteindre le « zéro artificialisation nette des sols » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espace naturel, agricole, et forestier (ENAF) d’ici à 2031, soit 125 000 hectares à préserver pour la décennie 2020-2030.
La trajectoire de réduction de l’artificialisation est à décliner dans les documents de planification et d’urbanisme : les schémas régionaux doivent intégrer et territorialiser cet objectif avant le 22 novembre 2024, et les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et PLU ou cartes communales doivent être mis en compatibilité avant le 22 février 2027 et le 22 février 2028 respectivement. À défaut, l’ouverture à l’urbanisation est exclue !
La déclinaison territoriale garantit une surface minimale de construction d’un hectare pour chaque commune et la prise en compte mutualisée des grands projets. Les PLU constituent l’échelon opérationnel du dispositif : les objectifs chiffrés de l’artificialisation figureront dans le projet d’aménagement et de développement durables (PADD), puis seront déclinés dans le règlement du PLU, c’est-à-dire dans les règles opposables.
UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT
Jusqu’en 2050, le ZAN ne s’applique qu’aux seuls projets commerciaux. Pour les autres projets, les pouvoirs publics poursuivent une politique ambitieuse de réduction de l’artificialisation à travers les documents d’urbanisme qui restent maîtres de la constructibilité d’un terrain. Les objectifs de réduction de l’artificialisation sont inopposables aux demandes d’autorisation. Par conséquent, aucune compensation ne peut être exigée ou offerte par un porteur de projet.
La loi Climat et résilience a substitué une obligation de résultat à ce qui était jusqu’alors une obligation de moyens. Sans conteste, une révolution de l’acte d’aménager et de construire est en marche.
D’AUTRES DÉFIS ÉCONOMIQUES
Mais au-delà du ZAN, la France fait face à d’autres défis économiques et environnementaux tout aussi majeurs : la construction de logements, la réindustrialisation et la production d’énergie décarbonée. Face à ces impératifs, le ZAN doit trouver dans son application la souplesse qui permette à notre pays de retrouver indépendances industrielle et énergétique.
Le ZAN doit donc tenir compte de la diversité des territoires et des projets. Appliquer uniformément cet objectif à une commune rurale, à une ville de grande couronne parisienne ou à une station balnéaire serait un non-sens.
Conscient de la nécessité de trouver un équilibre entre les défis français, le législateur a modulé l’objectif du ZAN en fonction des territoires et des projets.
La réussite du ZAN nécessite que les objectifs soient modulés en fonction des territoires et des projets : divers mécanismes et aménagements y participent. Il est cependant essentiel que soit instituée une méthode complémentaire de répartition placée entre les mains des communes et des établissements publics de coopération intercommunale : une telle méthode leur permettra d’ajuster a posteriori leurs droits à artificialiser au plus près de leurs besoins.