Il arrive fréquemment que des immeubles soient détenus pour l’usufruit par des parents, et pour la nue-propriété par leurs enfants. Lorsque la décision est prise de vendre cet immeuble, le notaire avertira les vendeurs sur la question de la répartition du prix de vente, qui aura des incidences notamment sur le calcul de l’impôt sur la plus-value. Notons tout d’abord que la vente d’un immeuble détenu en démembrement de propriété nécessite l’accord de tous, tant usufruitiers que nus-propriétaires.

 

UN CHOIX À OPÉRER 

Le sort du prix de vente en pareille situation est prévu par l’article 621 du Code civil, qui pose le principe de la répartition du prix de vente entre usufruitier et nu-propriétaire selon la valeur respective de chacun de ces droits, mais ouvre également la possibilité de reporter l’usufruit sur le prix de vente. Enfin, une troisième option ouverte aux parties consiste à maintenir le démembrement en remployant le prix de vente dans l’acquisition d’un nouveau bien immobilier.

Le choix à opérer entre ces trois options sera aiguillé par l’étude des objectifs des vendeurs : ont-ils besoin de trésorerie, souhaitent-ils maintenir un démembrement de propriété sur un autre immeuble ou sur un produit financier ?

De plus, la question du redevable de l’impôt sur la plus-value immobilière sera sans doute un autre facteur de choix, selon les éventuelles exonérations dont pourraient bénéficier l’usufruitier ou le nu-propriétaire. Il sera opportun d’aborder ces questions avec le notaire en amont de la vente, et de préciser le choix opéré dans une convention, afin de consigner par écrit les accords des parties.

 

LA RÉPARTITION DU PRIX DE VENTE 

Il est possible de procéder à la répartition du prix de vente entre usufruitier et nu-propriétaire. Il faut alors avoir en tête que l’usufruitier reçoit une somme qui pourra se retrouver dans sa succession, si elle n’est pas consommée sans être remployée.

Ainsi, cette somme sera taxée, chez le nu-propriétaire héritier, lors de l’ouverture de la succession de l’usufruitier. Il s’agit là d’un élément à prendre en compte car il supprime l’avantage du démembrement, qui a pu être initialement voulu lors de l’acquisition par les parties ou lors de la donation de la nue-propriété aux enfants, à savoir de permettre, au décès de l’usufruitier, la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété sans taxation. Bien entendu, l’objectif peut avoir changé entre-temps, et la remise du prix à chacun selon ses droits voulus par les parties.

Dans ce cas-là, il faudra s’interroger sur la méthode d’évaluation des droits de chacun. Il est possible de recourir au barème fiscal de l’article 669 du Code général des impôts pour y procéder. Celui-ci fixe de manière forfaitaire la valeur de l‘usufruit selon l’âge de l’usufruitier, par une diminution de 10 % tous les 10 ans, par souci de simplification des calculs fiscaux. Le recours à ce barème n’est cependant pas obligatoire.

Il existe également une méthode d’évaluation économique de l’usufruit, notamment basée sur le taux de rendement du bien et l’espérance de vie statistique de l’usufruitier. La valeur de l’usufruit ainsi déterminée pourrait être plus importante, du fait de la prise en compte de facteurs adaptés à la réalité de la situation.

Entre les deux, l’administration fiscale n’interdit pas d’opter pour la solution la moins onéreuse. Par exemple, si le bien vendu constitue la résidence principale de l’usufruitier, il est intéressant de choisir la méthode d’évaluation maximisant la valeur de l’usufruit, car la cession de ces droits pourra alors bénéficier d’une exonération de l’impôt sur la plus-value, tandis que le nu-propriétaire sera soumis à cet impôt sur la part lui revenant.

 

LA CONSTITUTION D’UN QUASI-USUFRUIT SUR LE PRIX DE VENTE

Les parties pourront également choisir de procéder à la constitution d’un quasi-usufruit par report du démembrement de propriété sur le prix de vente du bien. Le quasi-usufruit entraîne pour son titulaire le droit de disposer du bien, qui est ici une somme d’argent, à charge pour lui de la restituer à son décès. Par suite, le nu-propriétaire bénéficie, au décès de l’usufruitier, d’une créance qui devra lui être remboursée par la succession de l’usufruitier. L’avantage de cette méthode est de laisser à l’usufruitier, sa vie durant, le bénéfice de la totalité du prix de vente du bien. Il pourra donc l’utiliser comme bon lui semble.

Cette dette de restitution ne pourra être soustraite de l’actif successoral au décès de l’usufruitier que si elle résulte d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l’ouverture de la succession. Ainsi, le notaire recommandera la rédaction d’une convention de quasi-usufruit entre les parties, indiquant notamment l’origine du quasi-usufruit, les biens sur lesquels il s’applique. Il est également possible de prévoir une clause d’indexation afin que le nu-propriétaire ne subisse pas la dépréciation monétaire. Si aucune clause d’indexation n’est prévue, la dette de restitution est égale à la somme soumise au quasi-usufruit.

La loi de finances pour 2024 a ajouté un article 774 bis dans le Code général des impôts, lequel conditionne la déductibilité de la dette de quasi-usufruit au moment de la succession du quasi-usufruitier. Le texte vise notamment les situations de transmission de la nue-propriété d’un bien, suivie de la cession de ce bien et de la constitution d’un quasi-usufruit sur le prix de cession. Dans ce cas-là, le quasi-usufruit pourra être distrait de l’actif taxable s’il est justifié que la dette de restitution n’a pas été contractée dans un but principalement fiscal. Il sera donc opportun de préciser dans la convention de quasi-usufruit le but de cette constitution.

 

LE MAINTIEN DU DÉMEMBREMENT SUR UN AUTRE BIEN

Enfin, il sera possible de choisir de maintenir le démembrement, en remployant le prix de vente du bien dans un autre bien, par application de la théorie de la subrogation. Il s’agit là simplement d’une substitution de l’objet du démembrement, par exemple si les usufruitiers souhaitent changer de résidence principale.

 

LA QUESTION DU REDEVABLE DE L’IMPÔT SUR LA PLUS-VALUE

La cession d’un bien immobilier est le fait générateur d’un impôt sur la plus-value. Qui de l’usufruitier ou du nu-propriétaire en sera redevable ?

La réponse est claire en cas de répartition du prix de vente entre l’usufruitier et le nu-propriétaire : l’opération est susceptible de dégager une plus-value imposable au nom de chacun des titulaires de droits démembrés. Ainsi, comme nous l’évoquions un peu plus haut, si le bien vendu constitue la résidence principale de l’usufruitier, il sera totalement exonéré d’impôt sur la plus-value, tandis que le nu-propriétaire se verra imposé. Une incertitude persiste quant au redevable de l’impôt sur la plus-value si les contribuables choisissent de constituer un quasi-usufruit sur le prix de vente, ou de remployer le prix de vente dans un autre bien. La doctrine est partagée et nous n’avons pas de jurisprudence pour trancher la question. 

Une des solutions pourrait être d’appliquer la même règle que celle qui est posée en matière de plus-value de cession de droits sociaux. Il est en effet prévu que la plus-value est imposable, soit au nom du nu-propriétaire en cas de remploi, soit au nom de l’usufruitier en cas de quasi-usufruit, soit au nom des deux en cas de partage du prix de cession, à hauteur de la quote-part de chacun.

Dans l’attente d’une clarification par le législateur ou la doctrine administrative, le notaire pourrait proposer aux parties de déterminer par convention qui de l’usufruitier ou du nu-propriétaire aura la charge de l’impôt. En revanche, cette convention ne pourra pas déterminer l’identité du redevable fiscal de l’impôt, qui ne relève que de la loi. Le risque, cependant, est que, si la convention faisait peser la charge de l’impôt sur une des parties, qui, finalement, ne se verrait pas qualifiée de redevable par l’administration fiscale, ce transfert de charge de l’impôt pourrait être considéré comme une donation ou un prêt, entraînant alors des conséquences non voulues par les parties.

Ainsi, à ce jour, la solution la moins risquée serait de répartir la charge de l’impôt entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon leurs droits, quel que soit le choix de répartition du prix de vente effectué. Si une des parties a besoin de trésorerie pour financer l’impôt sur la plus-value, un partage partiel du prix de vente pourra être retenu.

Pour conclure, l’on peut dire que la question de la répartition du prix de vente n’est pas si anodine, et qu’elle engendre des conséquences à ne pas négliger, d’où la nécessité de bien étudier la question auprès de votre notaire dès que la vente du bien démembré est envisagée.

Mercredi 17 avril, Me Christophe Lapelleterie a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

La rédaction du magazine est heureuse de vous faire partager la version dématérialisée de la Lettre au monde rural du mois d’avril.  

Pour retrouver la lettre : cliquez ici

Mercredi 10 avril, Me Hugo Soubie-Ninet a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

La rédaction du magazine est heureuse de vous faire partager la version dématérialisée de la Lettre aux personnes publiques du mois d’avril. 

Pour retrouver la lettre : cliquez ici.

Mercredi 3 avril, Me Marie Laborde-Latouche a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

Me Delphine Detrieux, Présidente de la Chambre des Notaires de la Gironde, et Me Jerôme Duron décryptent, pour vous, les chiffres de l’immobilier 2023.

Retrouvez leurs interventions sur France 3 Nouvelle-Aquitaine et TV7.

 

En mars, les notaires girondins ont continué à vous apporter leurs conseils au micro de l’émission « À votre service » sur France Bleu Gironde. 

 

Pour réécouter leurs interventions : 

 

Vous souhaitez participer à l’émission et poser vos questions ? Rendez-vous mercredi prochain entre 9h et 10h au 05.56.19.10.10 📞

Mercredi 27 mars, Me Camille Cordet a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

Mercredi 20 mars, Me Pierre-Antoine Montel a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

La gestion d’une succession peut parfois s’avérer complexe pour les héritiers et le mandat à effet posthume offre un véritable outil de prévoyance.

Ce mandat, régi par les articles 812 à 812-7 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, est un mandat d’anticipation. Contrairement au mandat de protection future qui s’applique au cours de la vie du mandant, le mandat à effet posthume permet à une personne de désigner de son vivant, un ou plusieurs mandataires, personnes physiques ou morales, qui seront chargés après son décès, d’administrer ou de gérer, tout ou partie du patrimoine successoral pour le compte et dans l’intérêt d’un ou plusieurs héritiers. Le mandat à effet posthume est fondé sur la confiance qu’accorde le mandant à une personne afin qu’elle gère les biens, sans transfert de propriété, à l’instar de la fiducie ou du trust. C’est une option intéressante notamment pour le chef d’entreprise qui souhaite assurer la continuité de son activité professionnelle après sa mort. 

 

QUELLES SONT LES CONDITIONS POUR ÉTABLIR UN MANDAT À EFFET POSTHUME ?

Le mandat à effet posthume est soumis à des conditions strictes. Il s’agit d’un contrat solennel qui doit obligatoirement être reçu par un notaire. Ce mandat n’est valable que s’il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier (notamment en présence d’un mineur ou d’un majeur protégé) ou du patrimoine successoral (notamment en présence d’une entreprise à transmettre). Cet intérêt doit être précisément motivé. 

Le mandat est en principe gratuit ; toutefois une rémunération du mandataire peut être prévue. Cette rémunération peut correspondre à une part des revenus perçus par la succession ou prendre la forme d’un capital. Toutefois, si la rémunération du mandataire est considérée comme excessive, les héritiers peuvent en demander la révision en justice. Une fois le mandat conclu, il doit être accepté du vivant du mandant, et non révoqué par l’un ou l’autre avant la mort de ce dernier.

 

QUI PEUT ÊTRE MANDATAIRE ?

Le mandataire doit être une personne physique ou morale, de confiance, capable d’accomplir les tâches qui lui sont confiées. Le mandataire désigné ne peut pas être le notaire chargé de la succession. En revanche, il peut être un héritier, un associé d’une société ou toute autre personne capable d’administrer au mieux la succession.

Le mandataire doit jouir de sa pleine capacité civile et ne pas être frappé d’une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral. Il doit être accepté par le mandataire du vivant du mandant et doit mentionner précisément le motif pour lequel il a été donné.

 

QUELLE EST LA DURÉE DU MANDAT ?

La durée du mandat est de 2 ans, prorogeable une ou plusieurs fois par le juge. Le mandat peut être donné pour une durée de 5 ans, prorogeable dans les mêmes conditions, en raison de l’inaptitude, de l’âge du ou des héritiers, ou de la nécessité de gérer des biens professionnels. 

 

QUELS SONT LES AVANTAGES DU MANDAT À EFFET POSTHUME ?

Le mandat à effet posthume permet, au moment où la personne est encore en pleine possession de ses moyens, de désigner un ou plusieurs mandataires afin de gérer son entreprise ou ses biens privés. Le mandat prend effet au décès du mandant et a pour conséquence de priver provisoirement les héritiers de l’exercice de leurs droits.

S’agissant du chef d’entreprise, son activité peut se retrouver paralysée en attendant le règlement de la succession ou de la nomination d’un nouveau dirigeant. L’activité économique de l’entreprise nécessite des prises de décisions rapides. Une telle paralysie peut mettre en cause la survie de la société. De plus, si rien n’est préparé, des conflits peuvent naître entre les héritiers. Le mandat à effet posthume offre une solution efficace afin de permettre au dirigeant de planifier et anticiper sa succession, tout en évitant les conflits entre héritiers, et de pérenniser l’entreprise. 

 

QUELLES SONT LES MISSIONS DU MANDATAIRE ?

Les pouvoirs du mandataire sont limités aux actes d’administration et de gestion courante tels que la conclusion et la résiliation des baux, la réalisation des travaux sur un bien immobilier etc. Il peut également prendre des actes de disposition relatifs à des mesures de conservation provisoires. Ce sont en principe des actes dictés par l’urgence et l’intérêt des héritiers.

Le mandat doit préciser le périmètre d’action du mandataire. Il doit être clairement défini et précis quant à la durée et à l’étendue du mandat. Ainsi le mandant pourra confier au mandataire uniquement son entreprise ou tout ou partie de la gestion de ses biens privés tels que comptes titres, contrats d’assurance-vie ou immobilier locatif. Il est également possible de désigner un mandataire pour l’entreprise et un autre pour ses biens privés.

Toutefois, les prérogatives du mandataire seront différentes selon que le mandant possède une entreprise individuelle ou une société. Dans le cadre d’une entreprise individuelle, le mandataire aura la qualité d’exploitant, c’est-à-dire tous les attributs du chef d’entreprise individuelle. Dans le cadre d’une société, la mission du mandataire portera sur les droits sociaux. Dans cette hypothèse, il participera et votera aux assemblées générales de l’entreprise, approuvera les comptes, affectera les résultats et décidera de la distribution des dividendes.

Le mandat peut aussi conférer plus de pouvoirs au mandataire. Ce dernier pourra prendre la direction de la société en sollicitant une assemblée générale des associés, afin de se faire nommer nouveau gérant, directeur général ou président. Toutefois, afin de permettre la désignation du mandataire et d’éviter que la société se retrouve dans une situation de blocage préjudiciable à son fonctionnement, les statuts de la société devront être adaptés. Enfin, il est à noter que chaque année et en fin de mandat, le mandataire doit rendre compte de sa gestion aux héritiers intéressés ou à leurs représentants et doit les informer de l’ensemble des actes accomplis.

 

PEUT-ON RÉVOQUER LE MANDAT ?

Le mandat à effet posthume peut être révoqué à tout moment avant la mort de la personne qui l’a établi. Au décès du mandant, le mandataire peut également renoncer à poursuivre sa mission. Il cessera ses fonctions trois mois après avoir notifié sa décision aux héritiers intéressés ou à leurs représentants. Le mandat peut prendre fin par suite du décès ou de la mise sous protection du mandataire personne physique, ou suite à la dissolution du mandataire personne morale. Les héritiers ou les créanciers de la personne décédée, peuvent demander la révocation du mandat, notamment en cas d’absence ou de disparition de l’intérêt sérieux et légitime ou compte tenu de la mauvaise exécution par le mandataire de sa mission. Dans cette hypothèse, le mandataire rémunéré peut être tenu de restituer tout ou partie des sommes perçues. Le mandat peut cesser également en cas de décès de l’héritier concerné ou si ce dernier fait l’objet d’une mesure de protection. Enfin, le mandat s’arrête automatiquement en cas d’aliénation par les héritiers des biens mentionnés dans le mandat ou en présence d’un nouveau mandat conventionnel signé entre les héritiers et le mandataire titulaire du mandat à effet posthume. 

Comme chaque année, les notaires girondins vous dévoilent l’intégralité des chiffres de l’immobilier en Gironde. Cette année nous vous proposons de revivre l’évènement grâce à une captation en direct de cette conférence de presse. 

 

Découvrez ci-dessous les synthèses par secteur : 

 

La Présidente de la Chambre des notaires de la Gironde Me Delphine DETRIEUX de La Réole était accompagnée de Me Marie LABORDE-LATOUCHE, Me Pierre ANTOINE-MONTEL, Me Jérome DURON, Me Johann BENASSAYA-JOLIS et Me Victor MARIN. 

 

Consultez notre dossier de presse avec l’intégralité des chiffres au format PDF : Dossier Presse 2023.

 

France 3 Aquitaine a reçu Me Delphine DETRIEUX pour échanger sur l’évolution du marché de l’immobilier en Gironde : 

 

TV7 s’est également emparé du sujet : 

SUD OUEST – DES BORDELAISES AU SOMMET DU DROIT

La Chambre des notaires et l’Ordre des avocats de Bordeaux sont présidés par des femmes. Une spécificité locale. 

Bordeaux possède une spécificité qui échappe à beaucoup, et c’est plutôt normal. La ville et la région Nouvelle-Aquitaine font partie des seuls territoires de France où les instances représentatives des métiers du droit et du chiffre sont toutes présidées par des femmes : Delphine Detrieux et Caroline Laveissière président la Chambre des notaires et l’Ordre des avocats de Bordeaux. Un phénomène qui, pourtant, ne devrait pas étonner dans la mesure où les métiers qu’ils représentent, les experts-comptables, notaires ou avocats, se sont très fortement féminisés. Aujourd’hui, dans ces trois secteurs, les femmes sont même nettement plus nombreuses que les hommes. Le barreau de Bordeaux compte 64 % de femmes, avec un âge moyen de 40ans. La Chambre des notaires recense elle 55 % de femmes pour un âge moyen de 41 ans. Si, ailleurs, l’accès aux plus hautes responsabilités des femmes n’est pas encore totalement corrélé à leur supériorité numérique, c’est le cas à Bordeaux.

Une « concordance historique »

« La présence féminine à la tête de nos différentes instances, auxquelles il faut ajouter la Chambre départementale des commissaires de justice, qui présidée par Marie-Pierre Rey, est sans doute une concordance historique », explique Me Caroline Laveissière.

Si l’une et l’autre estiment que leurs parcours n’ont pas été plus compliqués à cause de leur genre, elles notent tout de même que, au sommet de leurs hiérarchies professionnelles respectives, les femmes ne sont pas légion. « Je ne suis que la deuxième présidente de la Chambre des no- taires », constate Delphine Detrieux. «Et moi, la troisième à la tête du barreau de Bordeaux », ajoute Caroline Laveissière, qui relève même « qu’avant 2014, aucune femme ne s’était présentée à l’élection. Aucune ne s’était sentie autorisée, assez en confiance, pour croire en sa capacité à se faire élire… Nos métiers ont connu des évolutions depuis, car j’ai succédé, en juin 2023, à une bâtonnière, Christine Maze. Cela dit beaucoup de choses quant à l’évolution des mentalités dans le métier d’avocat… au moins à Bordeaux », précise Me Laveissière.

En matière de parité, le barreau de Bordeaux, qui représente une communauté de 2 100 avocats, a de l’avance sur beaucoup d’autres en France. « Nous avons, par exemple, créé une crèche pour faciliter le parcours professionnel des avocates.

C’est un bon moyen, dans notre profession, de mettre fin ou de tuer dans l’œuf d’éventuelles discriminations professionnelles faites aux femmes. C’est une initiative qui commence à faire tache d’huile en France, mais aussi à l’étranger », assure la bâtonnière, qui réfléchit également à la mise en place de solutions de garde au plus près des tribunaux. « Nous mettons en place tout ce qu’il faut pour ne pas limiter l’accès des femmes à notre profession. À celles qui veulent se lancer, faire carrière et prendre des responsabilités, je veux dire : ‘ ‘ F o n c e z ’ .’ »

« Chez les notaires, nous n’avons pas mis en place ce genre de choses. Si nous sommes majoritairement des femmes dans le notariat girondin, nous sommes essentiellement salariées. Nous n’avons pas la préoccupation des dirigeants de cabinets, des chefs d’entreprise. Il y a quand même des femmes notaires associées, mais il n’y a pas eu de demande en ce sens à cette heure», explique Me Detrieux. 

Numéro d’appel d’urgence

Le barreau de Bordeaux est attaché, « depuis très longtemps », relève la bâtonnière, à la lutte contre les discriminations et le harcèlement. « En cas de signalement au barreau, je suis saisie, c’est la procédure. Pour le moment et heureusement, je n’ai pas eu un seul signalement. »

Le barreau de Bordeaux est aussi engagé à l’extérieur. À l’occasion du 8 mars, les 60 avocats du barreau de Bordeaux se sont mobilisés pour assurer une permanence téléphonique afin de renseigner les femmes. Et « depuis mars 2020, c’est toute l’année que l’Ordre des avocats de Bordeaux met un numéro d’appel d’urgence (1) à la disposition des victimes de violence intrafamiliales ». (1) En cas d’urgence, appeler le 05 57 77 40 71.

 

TV7 – JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES : UTILE OU FUTILE ?

 

Un réajustement du marché immobilier en Gironde en 2023 ? 

Réponses de Me Sébastien Artaud, vice-président de la Chambre des Notaires de la Gironde, au micro de France Bleu Gironde ce mardi 13 mars. 

 

Mercredi 13 mars, Me Christophe Pateoueille a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

Mercredi 06 mars, Me Karine Craighero a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

Édito – Rénov’action réussie ! 

Une belle esthétique, des performances énergétiques, des espaces ergonomiques… il n’en faut pas plus pour redonner une seconde vie à une maison dite « ancienne », qui peut tout à fait arborer les atouts du « neuf ».

Compte tenu des prix de l’immobilier encore élevés et des taux d’intérêt tout juste stabilisés, une bonne gestion patrimoniale consiste à s’intéresser à la rénovation immobilière…

Découvrons les actions à suivre pour réaliser une belle opération.

1. Délimiter sa surface financière en allant à la rencontre de son banquier. Il effectue une simulation qui fixe les conditions du crédit immobilier, sans oublier de prendre en compte les éventuels droits au prêt à taux zéro et le dispositif « Ma prime rénov » pour financer les travaux.

2. Prospecter aux côtés de son notaire afin de repérer un bien au juste prix de marché et parfaitement diagnostiqué au niveau du DPE (diagnostic de performance énergétique) et autres contrôles obligatoires. Son portefeuille de biens anciens issus du règlement de successions, notamment, vaut le détour.

3. Solliciter « Mon Accompagnateur Rénov’ », interlocuteur Anah, qui préconise une rénovation globale. Elle donne lieu à une aide financière surdimensionnée à condition d’obtenir un gain d’au moins 2 étiquettes énergie par rapport au classement initial.

4. S’engager dans une acquisition parfaitement sécurisée aux côtés du notaire. Naturellement, ce dernier ausculte le bien au plan juridique et technique afin de rédiger le compromis de vente dans l’intérêt des deux parties, acquéreur et vendeur.

5. Valider une offre de prêt qui tient compte de conditions revisitées. Désormais stabilisés pour s’établir à 4,15 % en moyenne selon l’Observatoire Crédit Logement CSA, les taux devraient baisser à l’horizon du 2e trimestre 2024. Par ailleurs, les durées de remboursement d’emprunt peuvent atteindre 30 ans au lieu de 25 ans grâce aux pouvoirs de délégation accrus des banques.

6. Confier son projet à un constructeur, maître d’œuvre, architecte, qui assure des prestations de qualité avec les garanties associées. Les travaux bénéficient d’une décennale qui couvre les éventuelles malfaçons et facilitent une éventuelle négociation.

Ce programme nous permet de vérifier que la « rénov’action » est en mouvement au service du logement.

Pour démarrer votre chantier, venez rencontrer votre notaire qui maîtrise l’œuvre en matière de négociation immobilière. Il se positionne en « compagnon » de route juridique pluridisciplinaire !

Me Delphine DETRIEUX – Présidente de la Chambre des notaires de la Gironde

 

Parole de notaire – Le mandat de protection future. Questions d’avenir…

« La vieillesse est un naufrage » ont déclaré CHATEAUBRIAND et le Général de GAULLE. Certes, pas toujours, mais les tempêtes de la vie peuvent provoquer de réels naufrages. Le mandat de protection future est un moyen pour toute personne d’exprimer sa volonté, lorsque tout va bien, pour le jour où, éventuellement, ce serait le naufrage. 

Le Code Civil, article 477, premier et deuxième alinéas dispose que « Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts. La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu’avec l’assistance de son curateur» Et en son article 425, le Code civil dispose que toute personne se trouvant « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » peut en bénéficier. Acte notarié ou sous signatures privées, il permet à une personne (le mandant) de désigner la ou les personnes (le ou les mandataires) à laquelle ou auxquelles elle entend confier sa protection. Le mandataire doit accepter le mandat.

 

CET ACTE PRÉVOIT QUE LE MANDAT S’ETEND À…

La protection de la personne du bénéficiaire. Les droits et obligations du mandataire sont définis par les articles 457-1 et suivants du Code civil. Le mandataire veillera sur la personne du mandant, selon les modalités adaptées à son état physique ainsi qu’à son discernement, tant en le protégeant qu’en s’assurant du respect de son intimité, de son cadre de vie et du suivi de ses relations habituelles avec les tiers, parents ou non, lui permettant de les visiter ou de les héberger temporairement. Il en ira de même pour le maintien de la vie sociale, associative ou autre.

La protection de ses biens. Le mandataire peut réaliser tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul ou avec autorisation, toutefois les actes de disposition à titre gratuit nécessitent une autorisation du juge des contentieux de la protection, sauf à tenir compte, le cas échéant, des dispositions particulières. Le mandat de protection future prend effet lorsqu’il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts. Un certificat médical doit établir qu’il se trouve dans cette impossibilité. Cette prise d’effet doit être notifiée au mandant. Le mandataire a des obligations et doit rendre des comptes annuellement au notaire qui a établi le mandat ou au juge en cas de mandat sous signature privée.

 

CERTAINS ACTES STRICTEMENT INTERDITS AU MANDATAIRE

L’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation du mandant par le mandataire. Suivant les dispositions de l’article 458 du Code civil, sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant.

 

L’ACTE DETERMINE LES POUVOIRS DU MANDATAIRE RELATIFS À LA PROTECTION DU MANDANT

Ils concernent le choix de la résidence, les conditions de vie (maintien à domicile, recours à un établissement spécialisé, hospitalisation, santé…). Lors de l’ouverture du mandat, le mandataire deviendra la personne de confiance, conformément aux articles L1111-6 et L1111-12 du Code de la santé publique. Selon l’état de santé du mandant, il prendra les mesures utiles au maintien des liens du mandant avec son entourage, lui permettra l’exercice du droit de vote, accomplira toutes démarches administratives nécessaires à la vie quotidienne, lui facilitera sa pratique religieuse, prendra les mesures pour répondre aux besoins des animaux de compagnie. Cette liste n’est pas exhaustive. Le mandataire accomplira les actes de gestion courante du patrimoine. Le pouvoir de vendre ou d’accepter une succession doit être prévu.

 

ACTES NECESSITANT L’ACCORD DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Consentir une donation, prendre des dispositions testamentaires, renoncer à une succession ou legs… De même, le mandataire ne pourra souscrire, modifier, racheter un contrat d’assurance vie, désigner ou substituer un bénéficiaire, sans l’autorisation du juge des contentieux de la protection, dès lors que l’opération envisagée traduit une intention libérale.

Lors de la prise d’effet du mandat, le certificat médical devra être produit avec la copie de l’acte au greffe du tribunal judiciaire de la résidence de la personne protégée. Cet acte peut, selon le principe de précaution, s’avérer d’une grande utilité. Il permet à toute personne qui le souhaite de choisir un tiers pour prendre, en cas d’incapacité, les décisions prévues et déterminées à l’avance, tout en ayant l’assurance d’un contrôle sur les actes les plus graves. Le mandat de protection future peut également être précieux pour maintenir une entreprise, dans le cas où son dirigeant se trouverait dans l’incapacité temporaire ou définitive de le faire. Dans ce cas précis, il faut établir une expertise des besoins et impératifs de celle-ci. Cet acte est donc un outil de précaution et de sérénité qui permet à tout un chacun de conserver, en cas de naufrage, la dignité de l’expression de sa volonté.

Maître Marie-Laure GONTIER, notaire à Lormont

Mercredi 21 février, Me Pierre-Antoine Montel a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

Mercredi 21 février, Me Grégory Rousseaud a répondu aux questions des auditeurs sur France Bleu Gironde.

 

Il est un principe très important en droit des successions et des libéralités que vous devez savoir : ce que vous donnez ou léguez est intégré dans la liquidation de succession, afin de vérifier que l’un de vos héritiers n’en soit pas lésé, et dans l’affirmative, il devra être indemnisé. Dès que s’ouvre une succession, le notaire qui en est chargé doit regrouper les libéralités (c’est-à-dire les donations et les legs) consenties par le défunt ; elles participeront de l’établissement de la liquidation (1). Juridiquement, cela s’effectue en raison de deux dispositifs légaux : la réserve héréditaire (I) et le rapport successoral (II).

 

Le fonctionnement de la réserve héréditaire

La réserve héréditaire est prévue aux articles 912 et suivants du Code civil ; elle fonctionne de la manière suivante :

  • Première étape : le notaire établit une masse intégrant les biens existant au décès (soit l’actif diminué du passif, en ce compris les biens légués) et les biens antérieurement donnés (2), ce qui lui donne une valeur totale.
  • Deuxième étape : sur la valeur de la masse ainsi définie, y sont appliquées des quotités définies par la loi ; une première correspond à la réserve héréditaire (3) et une seconde correspond à la quotité disponible. La loi précise qu’en présence d’un enfant, la réserve est de 1/2 (de même pour la quotité disponible) ; en présence de deux enfants, elle est de 2/3 (et la quotité disponible est de 1/3) ; en présence de trois enfants ou plus, elle est de 3/4 (et la quotité disponible de 1/4) ; et si c’est un conjoint qui est héritier réservataire, la réserve est d’un 1/4 (et la quotité disponible de 3/4). Ces quotités permettent ainsi de définir quelle est la valeur de la réserve et celle de la quotité disponible (4). S’il y a plusieurs héritiers réservataires, la réserve est divisée par leur nombre afin de déterminer la valeur de la réserve individuelle. 
  • Troisième étape : sont imputées les libéralités faites par le défunt. Tout d’abord, on commence par les donations, dons manuels et donations-partages, et ce, suivant un ordre chronologique (de la plus ancienne à la plus récente). Puis, sont imputés les legs de manière proportionnelle (on parle d’imputation au marc le franc). Cette étape consiste à imputer la valeur d’une libéralité, soit sur une réserve individuelle d’un héritier réservataire qui en est bénéficiaire, soit sur la quotité disponible (5). Si une libéralité dépasse son secteur d’imputation, elle porte atteinte à la réserve. 
  • Quatrième étape : en présence d’une libéralité portant atteinte à la réserve, on dit qu’elle est réductible, c’est-à-dire qu’elle peut faire l’objet d’une action en réduction par les héritiers réservataires qui peuvent alors agir dans le délai de 5 ans à compter du décès ou de 2 ans à compter du jour où ils ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder 10 ans à compter du décès. En principe, il s’agit d’une réduction en valeur, c’est-à-dire que l’action permet d’exiger du bénéficiaire de la libéralité réductible à ce qu’il verse une indemnité de réduction (soit une compensation financière) aux héritiers réservataires. Le bénéficiaire peut y substituer une réduction en nature, c’est-à-dire laisser une quote-part indivise sur les biens reçus par la libéralité réductible égale au montant de l’atteinte à la réserve. L’indemnité de réduction est en principe payée au moment du partage et son montant sera fonction de la valeur des biens objet des libéralités réductibles à ce même moment (sauf les hypothèses d’aliénation et de subrogation, où l’on tient compte des mêmes valeurs que pour la réunion fictive). Il est important de souligner qu’en termes de propriété, la réserve héréditaire n’a pas d’effet, c’est-à-dire qu’une personne peut disposer de ses biens par libéralités comme il le souhaite ; les héritiers réservataires ne peuvent pas empêcher l’exécution d’une libéralité s’ils sont remplis de leur réserve (6).

 

L’intérêt de la faculté de cantonnement

Pour éviter de payer une indemnité de réduction (réduction en valeur) ou de subir les inconvénients de l’indivision avec les héritiers réservataires (réduction en nature), le bénéficiaire d’une libéralité réductible pourrait recourir à la faculté de cantonnement prévue à l’article 1002-1 du Code civil (prévue également au conjoint survivant à l’article 1094-1). Cela consiste à ne choisir qu’une partie des biens objet de la libéralité. Ainsi, de cette manière, le bénéficiaire laisserait certains biens, et à son choix exclusif, aux héritiers réservataires, de façon à amoindrir voire supprimer toute atteinte à leur réserve.

 

La particularité du legs unique d’usufruit

Prenons l’exemple suivant : une personne décède et laisse pour lui succéder son fils unique ; le défunt, seul propriétaire d’une maison dans laquelle il vit avec sa concubine, a consenti un legs de l’usufruit de cette maison au profit de celle-ci. L’usufruit est le droit pour son titulaire de jouir du ou des biens qui en sont grevés en les utilisant personnellement ou d‘en percevoir les fruits (par exemple, en percevant les loyers après avoir mis un bien immobilier en location). Sauf stipulation contraire, l’usufruit est présumé viager, c’est-à-dire qu’il ne s’éteindra qu’au décès de son titulaire.

Dans cet exemple, le legs d’usufruit permet au défunt de s’assurer que sa concubine puisse jouir de sa maison pendant toute sa vie. Le fils deviendra nu-propriétaire de la maison, devant subir le droit d’usufruit de la concubine de son père jusqu’à son décès. 

Si le legs de l’usufruit fait à la concubine porte atteinte à la réserve héréditaire, l’article 917 du Code civil offre un choix au fils : soit il opte pour l’exécution du legs sans pouvoir exercer l’action en réduction, soit il substitue la toute propriété de la quotité disponible (soit la moitié en pleine propriété de la succession) au droit d’usufruit initialement légué. 

Cet article ne s’applique qu’en présence d’un seul legs d’usufruit. Il est écarté lorsque le défunt a consenti une ou plusieurs autres libéralités. L’intérêt de cet article est d’éviter une réduction systématique des legs d’usufruit, puisque la seule manière pour l’héritier réservataire qui ne souhaite pas subir le droit d’usufruit du légataire, est d’abandonner la totalité de la quotité disponible en pleine propriété, au lieu de pouvoir bénéficier classiquement de l’indemnité de réduction comme vu précédemment. Cette limitation dans le droit de l’héritier réservataire vise à l’inciter à exécuter le legs d’usufruit. Les dispositions de l’article 917 du Code civil n’étant pas d’ordre public, il est loisible pour le testateur de prévoir dans son testament qu’elles ne seront pas applicables.

 

Le rapport successoral

Le rapport successoral est une opération de partage visée aux articles 843 et suivants du Code civil. Son objectif : maintenir l’égalité entre les héritiers. Il n’y a rapport successoral que s’il y a plusieurs héritiers de même rang, qu’ils soient ou non réservataires. L’opération consiste à ajouter à la masse des biens dépendant de la succession, la valeur des biens qui ont été donnés selon les mêmes règles évoquées précédemment concernant la réunion fictive (sauf en ce qui concerne la date de ces valeurs, puisque pour le rapport successoral on prend en compte la date du partage et non celle du décès, mais en pratique, si le partage n’intervient que quelques mois après le décès, il s’agira des mêmes valeurs). Ne sont rapportables que les libéralités consenties en avancement de part successorale, à l’exception des donations-partages qui ne sont jamais rapportables. Les libéralités peuvent être stipulées hors part successorale (et donc dispensées de rapport), mais peuvent prévoir qu’en cas de renonciation du donataire à la succession du donateur, elles devront être rapportées. 

Prenons l’exemple suivant : une personne A décède, laissant pour lui succéder deux enfants : B et C. A avait fait donation d’un bien immobilier à B d’une valeur de 300.000 évalué à 500.000 au jour du décès (et du partage) ; elle a été stipulée faite en avancement de part successorale. Les biens existant au décès sont évalués à 200.000. La masse sera donc de 700.000 (200.000 de biens existant au décès et 500.000 de biens donnés). Comme il y a deux héritiers de même rang, la masse se partage en deux, soit 350.000 chacun. Le partage comprendra deux lots, celui de B et celui de C. Dans le lot de B, on y retrouvera une indemnité de rapport en moins prenant égale à la valeur du bien qui lui avait été donné, soit 500.000 ; seulement, étant donné que la valeur de cette indemnité est supérieure à ses droits dans la masse (350.000), il devra une soulte de 150.000 à C. Dans le lot de C, il y aura la totalité des biens existant au décès ainsi que la soulte due par B. Ainsi, du fait du rapport, l’ensemble des biens de la succession est dévolu à C, et B devra une soulte de 150.000 à C (7).

Comme indiqué précédemment, le rapport successoral s’applique, que les héritiers soient ou non réservataires. Ainsi, cet exemple aurait été tout à fait valable si B et C étaient les neveux d’A, en l’absence de descendants et de conjoint.

Vous l’aurez compris : il est nécessaire de tenir compte des règles évoquées ci-dessus pour pouvoir efficacement transmettre vos biens, afin de ne pas encourir le risque qu’une action en réduction ou le rapport d’une libéralité ne remette en cause l’objectif recherché.

De plus, les droits spécifiques des enfants à l’égard des libéralités faites au profit du conjoint peuvent également obérer votre projet. En effet, si vous choisissez d’effectuer une libéralité en usufruit à votre conjoint portant sur des liquidités bancaires, les enfants nus-propriétaires pourraient notamment l’obliger à employer les sommes à l’acquisition de biens (biens immobiliers ou parts de SCPI par exemple) sur lesquels le démembrement de propriété sera transféré (article 1094-3 du Code civil). En outre, en cas de famille recomposée, et si une libéralité faite au profit du conjoint porte sur des biens en pleine propriété, tout enfant non commun du couple pourra y substituer les droits en usufruit sur la part d’héritage qu’il aurait recueillie en l’absence de conjoint (article 1098 du Code civil).

Afin d’éviter qu’un paramètre de la liquidation ne vous échappe, il est fortement recommandé que vous recouriez à l’expertise du notaire. Pour rappel, son conseil est gratuit ! 

 

[1] La liquidation de succession consiste pour le notaire à définir en valeur les droits des héritiers et des légataires.

[2] Il s’agit de « la réunion fictive » : on intègre dans la masse les valeurs au jour du décès des biens antérieurement donnés selon leurs états aux jours où ils ont été donnés.
S’ils ont été aliénés, on prend en compte leurs valeurs au jour de leurs aliénations ; s’ils ont été subrogés, on intègre la valeur des nouveaux biens au jour du décès mais selon état à l’époque de leurs acquisitions (sauf en cas de dépréciation inéluctable où dans ce cas, on ne tient pas compte de la subrogation).

[3] La réserve héréditaire profite aux enfants du défunt et à leurs propres descendants en cas de prédécédés, ou en l’absence de descendants du défunt, à son conjoint.

[4] Si une libéralité est faite au profit du conjoint, celui-ci bénéficie d’une quotité disponible spéciale entre époux prévue à l’article 1094-1 du Code civil qui est, à son choix exclusif, soit de la quotité disponible ordinaire, soit d’un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit, soit de la totalité en usufruit.

[5] On parle ici de secteurs d’imputation. Pour savoir s’il convient d’imputer sur la quotité disponible ou sur la réserve, cela est fonction de la qualité du bénéficiaire de la libéralité.
S’il n’est pas héritier réservataire, la libéralité doit nécessairement s’imputer sur la quotité disponible. En revanche, s’il est héritier réservataire, cela dépend des stipulations de l’acte : sauf stipulation contraire, une donation est présumée consentie en avancement de part successorale et doit donc s’imputer sur la réserve et subsidiairement sur la quotité disponible, tandis qu’un legs est présumé consenti hors part successorale et doit donc s’imputer exclusivement sur la quotité disponible.

[6] La libéralité, même réductible, constitue un titre de propriété pour son bénéficiaire. Même si les droits des héritiers réservataires sont respectés (que ce soit ou non grâce à des indemnités de réduction), ils doivent subir la dévolution des biens effectuée par le défunt au moyen des libéralités qu’il a consenties. Toutefois, l’article 924-4 du Code civil précise qu’en présence d’une libéralité réductible portant sur un bien immobilier, les héritiers réservataires disposent d’un droit de suite sur ledit bien, de sorte que si le bénéficiaire de la libéralité ne peut pas payer l’indemnité de réduction, ils pourront l’exiger auprès de tout éventuel acquéreur de ce bien, et si celui-ci ne le peut pas, ils pourront exercer une action en revendication sur le bien (sauf si les héritiers réservataires ont préalablement consenti à son aliénation).

[7] Précision étant ici faite que lorsqu’une libéralité est à la fois rapportable et réductible, son bénéficiaire ne doit que l’indemnité de rapport, puisque, l’indemnité de réduction ne formant qu’une partie de la valeur du bien donné, elle se confond avec l’indemnité de rapport.