Les effets du vivant du donateur
Le transfert de propriété
Dès la donation, le donataire devient propriétaire du bien donné, sans qu’aucune formalité ne soit nécessaire. Le donateur ne peut reprendre ce qu’il a donné, sauf s’il existe une hypothèse (peu fréquente en pratique) de révocation.
Si la donation porte sur un immeuble, elle doit être publiée à la Conservation des hypothèques, pour que les droits du donataire soient opposables aux tiers. Cette exigence de publicité à des fins d’opposabilité aux tiers existe également pour quelques meubles soumis à un régime spécifique (ex : fonds de commerce)
La possible révocation de la donation
Il existe trois causes légales de révocation de la donation : l’inexécution des charges par le donataire, l’ingratitude du donataire, et la survenance d’enfant au donateur. Si une telle révocation est prononcée, le donateur redevient propriétaire du bien donné, même s’il a été vendu (sauf le cas de la révocation pour ingratitude).
La révocation pour inexécution des charges. La donation peut être révoquée si le donataire n’exécute pas les charges qui lui ont été imposées. Cette révocation nécessite une demande judiciaire, à moins que n’ait été stipulée une clause résolutoire de plein droit (article 956 du Code civil).
Cette action judiciaire est exercée par le donateur ou ses héritiers, contre le donataire ou ses héritiers.
Si l’action est accueillie, la donation est alors anéantie de façon rétroactive. Le donateur ou ses héritiers redeviennent propriétaires du bien, libéré de toute charge qui aurait été créée par le donataire. Par conséquent, si le bien avait été cédé, cette cession est rétroactivement anéantie : on considère fictivement qu’elle n’a jamais existé, et l’acquéreur perd la propriété du bien acquis. De ce fait, quand la donation était assortie d’une ou plusieurs charges, lors de la vente du bien, le donateur intervient à l’acte de cession pour renoncer à cette action révocatoire.
La révocation pour ingratitude. La donation peut également être révoquée du fait de l’ingratitude du donataire, si peut être caractérisée l’une des trois attitudes suivantes (article 955 du Code civil) :
- Le donataire a attenté à la vie du donateur
- Le donataire s’est rendu coupable envers le donateur de sévices, délits ou injures graves
- Le donataire a refusé des aliments au donateur
Cette révocation nécessite obligatoirement une action judiciaire, qui ne peut être intentée que par le donateur, contre le seul donataire.
Si la révocation est prononcée, elle a un effet rétroactif, mais uniquement entre le donateur et le donataire, et non à l’égard des tiers. Par conséquent, si le bien a été vendu, la restitution se fait en valeur, l’acquéreur restant propriétaire de ce bien sans être inquiété.
La révocation pour survenance d’enfant. Enfin, la donation peut être révoquée si naît un enfant au donateur, alors qu’il n’en avait pas au jour de la donation (article 960 du Code civil). Avant la réforme du 23 juin 2006, cette révocation était automatique. Depuis cette réforme, la révocation n’est possible que si l’acte de donation la prévoit expressément.
La résolution de la donation en cas de réalisation d’une condition
La donation est parfois assortie d’une condition, c’est-à-dire d’un évènement futur et incertain, indépendant de la seule volonté des parties. L’exemple le plus courant est le droit de retour conventionnel, qui s’applique lorsque le donataire décède avant le donateur.
Dans ce cas, si l’évènement prévu se produit, la condition est réalisée, et la donation est rétroactivement résolue. On considère alors que la donation n’a jamais existé. Il en résulte tout d’abord que le donateur n’a pas à s’acquitter de droits de mutation à titre gratuit. Par ailleurs, si le bien donné avait été vendu par le donataire, cette cession est annulée. Pour cette raison, lorsqu’existe une condition dans une donation, le donateur doit intervenir à la vente pour supprimer la condition, afin d’éviter que cette vente ne soit ultérieurement annulée.
Les effets au décès du donateur
Le rapport de la donation
Le rapport permet d’assurer l’égalité entre les héritiers. Il est fondé sur l’idée que le bien donné à l’un des héritiers ne constituait qu’une avance sur la succession du donateur. Le rapport consiste donc pour le donataire à placer dans la masse à partager la valeur du bien donné, ou, plus rarement, le bien lui-même.
Le rapport ne s’impose pas dans tous les cas. Il faut tout d’abord que le donataire soit un héritier du donateur, et qu’il ait accepté la succession du donateur (article 843 du Code civil). Il faut également que la donation ait été consentie en avancement de part successorale. Si elle a été faite hors part successorale, c’est parce que le donateur voulait avantager le donataire, et qu’il ne s’agissait donc pas d’une avance sur sa future part successorale.
Le bien donné doit être réévalué au jour du partage, mais selon son état au jour de la donation (article 860 du Code civil). Si le bien a été vendu, et que le prix de vente a servi à racheter un bien, c’est la valeur de ce nouveau bien, au jour du partage, qui doit être rapportée. Toutefois, si le nouveau bien était de ceux dont la dépréciation était inéluctable au jour de l’achat (automobile, électroménager, …), le donataire doit rapporter la valeur du prix de cession. Enfin, si avait été donnée une somme d’argent, le donataire doit rapporter le montant donné, sauf si cette somme lui a servi à acquérir un bien (article 860-1 du Code civil). Dans ce cas, il doit rapporter la valeur de ce nouveau bien. Mais si le bien acheté était de ceux dont la dépréciation était inéluctable au jour de l’achat, le donataire doit rapporter le montant donné.
Exemple : Monsieur X a un fils et une fille. De son vivant, il avait donné à son fils une maison d’une valeur au jour de la donation de 100 000 €. Monsieur X décède, en laissant dans son patrimoine des biens d’une valeur totale de 300 000 €. La maison donnée à son fils vaut alors 200 000 €. Les héritiers doivent se partager une somme globale de 500 000 €, soit 250 000 € chacun. Le fils prendra alors 50 000 € dans les biens laissés par son père (il conserve la propriété de l’immeuble qui lui a été donné), et la fille 250 000 € sur les biens laissés par son père.
La réduction de la donation
La réduction permet de protéger la réserve des héritiers, c’est-à-dire la partie des biens du donateur qui doit obligatoirement revenir à ses héritiers réservataires (ses descendants dans l’immense majorité des cas, ou son conjoint s’il n’a pas d’enfant). La portion des biens qui ne doit pas obligatoirement revenir aux héritiers est appelée la quotité disponible. Pour les descendants, le montant de la quotité disponible et de la réserve varie en fonction du nombre d’enfants du donateur :
Nombre d’enfant du donateur |
Quotité disponible |
Réserve héréditaire globale (la réserve individuelle correspondant à la réserve globale, divisée par le nombre d’enfants) |
1 |
1/2 |
1/2 |
2 |
1/3 |
2/3 |
3 ou + |
1/4 |
3/4 |
Pour savoir si une donation est réductible, on doit tout d’abord déterminer une masse de calcul composée de la façon suivante : biens laissés par le défunt – dettes du défunt + réunion fictive des donations antérieures (article 922 du Code civil).
La réunion fictive est une opération par laquelle on réintègre dans la masse de calcul la valeur des biens antérieurement donnés. Cette réunion fictive suppose une réévaluation des biens au jour du décès du donateur, selon l’état au jour de la donation. Si le bien a été vendu, ou si avait été donnée une somme d’argent, on applique les mêmes règles de réévaluation que celles exposées à propos du rapport des donations antérieures.
Une fois la masse de calcul établie, on obtient le montant de la quotité disponible et de la réserve, en appliquant les fractions exposées ci-dessus.
Puis, la donation est imputée sur le secteur lui correspondant : la seule quotité disponible s’il s’agissait d’une donation hors part successorale (article 919-2 du Code civil), la réserve individuelle et la quotité disponible s’il s’agissait d’une donation en avancement de part successorale (article 919-1 du Code civil). S’il y avait plusieurs donations, les imputations se font en commençant par la plus ancienne (article 923 du Code civil). L’imputation va permettre de comparer le montant de la donation avec le montant du secteur sur lequel cette libéralité a été imputée. En cas de dépassement de ce secteur, le donataire reste propriétaire du bien donné, mais doit indemniser les héritiers du donateur en versant une indemnité de réduction (article 924 du Code civil).
Exemple 1 : Monsieur X a deux enfants. Il donne à sa concubine un immeuble d’une valeur de 150 000 € au jour de la donation, et d’une valeur de 250 000 € au jour du décès de Monsieur X. Lorsqu’il décède, il n’a aucune dette, et dispose de biens d’une valeur totale de 50 000 €. La masse de calcul est ainsi de 300 000 €, la quotité disponible étant de ce fait de 100 000 € (1/3 pour deux enfants). La donation excède donc la quotité disponible de 150 000 €. C’est le montant de l’indemnité de réduction que devra verser la concubine aux enfants de Monsieur X.
Exemple 2 : Monsieur X a trois enfants, et désire avantager l’un d’entre eux. A cette fin, il lui donne un immeuble, d’une valeur de 100 000 € au jour de la donation, et de 150 000 € au jour du décès du donateur. Lorsqu’il décède, Monsieur X n’a aucune dette, et dispose de biens d’une valeur totale de 250 000 €. La masse de calcul est ainsi de 400 000 €, la quotité disponible étant de ce fait de 100 000 €. La donation excède donc la quotité disponible de 50 000 €, ce qui correspond au montant de l’indemnité de réduction due par l’enfant avantagé. Les trois enfants se partagent ainsi une masse totale de 300 000 (les biens laissés par le défunt de 250 000, et l’indemnité de réduction de 50 000). Chacun a donc droit à 100 000 €. L’enfant donataire est donc bien avantagé. Il perçoit donc au total 200 000 € (le montant de sa donation soit 150 000 – l’indemnité de réduction soit 50 000 + sa part de réserve soit 100 000). Les deux autres ne reçoivent que 100 000 € chacun.