CESSION DE FONDS, LE DROIT D’INFORMATION DES SALARIÉS

ire à En cette période de crise sanitaire et d’incertitude pour les commerçants et leurs salariés, il est intéressant de revenir sur une disposition qui a bientôt sept ans, le droit d’information des salariés lors de la cession du fonds de commerce.

Instaurée par le Loi n° 2014- 856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (dite « Loi Hamon ») et entrée en vigueur le 1 cette obligation a pour but de favoriser la reprise des entreprises et leur poursuite d’activité.

LE PRINCIPE

Il s’agit simplement d’informer les salariés en cas de vente de fonds de commerce pour qu’ils puissent formuler une offre de reprise (art L.141-23 Code de commerce). Il ne s’agit ni d’un droit de préemption comme pourrait éventuellement en bénéficier une commune lors de la cession d’un fonds de commerce, ni d’un droit de priorité.

Ce droit d’information des salariés n’est pas applicable :
– à la vente de fonds artisanal,

– aux transmissions réalisées dans le cadre d’une succession, d’une liqui- dation du régime matrimonial,

– aux ventes à un conjoint ou parte- naire de Pacs, un ascendant ou un descendant,

– aux entreprises faisant l’objet d’une procédure de conciliation, de sauve- garde, de redressement ou de liqui- dation judiciaire,

– si au cours des douze mois qui pré- cèdent la vente, celle-ci a déjà fait l’objet d’une information en applica- tion de l’article 18 de la loi n° 2014- 856 du 31 juillet 2014.

LES MODALITÉS D’APPLICATION

Dans les entreprises non soumises à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise :
– le propriétaire du fonds en informe l’exploitant, qui informe ensuite les salariés.
– si l’exploitant est le propriétaire du fonds, il informe directement les salariés.

Dans les entreprises soumises à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise :
– le propriétaire du fonds en informe l’exploitant, qui informe ensuite les salariés au plus tard au moment où le comité d’entreprise est saisi pour avis sur le projet de vente.

– si l’exploitant est le propriétaire du fonds, il informe directement les salariés au plus tard au moment où le comité d’entreprise est saisi pour avis sur le projet de vente.

La loi ne précise pas le contenu de l’information qui doit être donnée aux salariés.

Le propriétaire du fonds ou l’exploitant doivent simplement informer les salariés :
– de la volonté du vendeur de pro- céder à une vente,

– du fait que les salariés peuvent présenter une offre d’achat.
De leur côté, les salariés ainsi informés sont tenus à une obligation de discrétion. La loi n’oblige pas le propriétaire du fonds à accepter l‘offre de reprise de ses salariés. Le refus du vendeur de l’offre de reprise n’a pas à être motivé.

LE DÉLAI POUR INFORMER

La vente ne peut intervenir avant un délai de deux mois après que tous les salariés ont été informés de l’intention du propriétaire de vendre le fonds. Le délai de deux mois s’apprécie au regard de la date de conclusion du contrat de vente.

Dans le cas particulier où le vendeur du fonds de commerce n’en est pas l’exploitant, le délai de deux mois court à compter de la date de la notification de la volonté de vendre à l’exploitant. La vente peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois si tous les salariés ont fait part de manière explicite et non équivoque de leur décision de ne pas présenter d’offre d’achat. (art. L.141-23 Code de commerce). Il est à noter qu’une fois tous les salariés informés, le vendeur dispose d’un délai maximum de deux ans pour réaliser la vente. À défaut de signature de l’acte de vente dans ce délai, le vendeur devra à nouveau informer ses salariés de son projet.

LA PREUVE DE L’INFORMATION

Il ressort de l’article L.141-25 du Code de commerce que : « L’information des salariés peut être effectuée par tout moyen, précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par ces derniers ».

Il ressort de l’article D.141-4 du Code de commerce que :
« L’information des salariés mentionnée aux articles L.141-25 et L.141-30 peut être effectuée selon les modalités suivantes :

Au cours d’une réunion d’information des salariés à l’issue de laquelle ces derniers signent le registre de présence à cette réunion ;

Par un affichage. La date de réception de l’information est celle apposée par le salarié sur un registre accompagné de sa signature attestant qu’il a pris connaissance de cet affichage ;

Par courrier électronique, à la condition que la date de réception puisse être certifiée ;

Par remise en main propre, contre émargement ou récépissé, d’un document écrit mentionnant les informations requises ;

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;

Par acte extrajudiciaire ;

Par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception. »

LA SANCTION DU DÉFAUT D’INFORMATION

À l’origine, l’article 19 de la loi dite Hamon prévoyait que la cession intervenue en méconnaissance du droit d’information des salariés pouvait être annulée à la demande de tout salarié. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dit Loi « Macron » a remplacé la nullité de la cession par une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 % du mon- tant de la vente. Le prononcé d’une amende civile et de son montant ne sont pas automatiques.

EN CONCLUSION

Pour le propriétaire, la possibilité de céder son entreprise à l’un de ses employés. Pour les employés, la possibilité de reprendre éventuellement une entreprise qu’ils connaissent, sous réserve bien entendu que le propriétaire du fonds accepte leur offre de reprise. En pratique, une formalité supplémentaire qu’il sera nécessaire de réaliser avant la signature du com- promis de vente du fonds.

Me Philippe NGUYEN-VAN, notaire à Bordeaux

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