Sortir de l’indivision

L’indivision est une situation dont on peut vouloir sortir. Passage en revue des différentes procédures

Aux termes de l’article 815 du Code civil « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ».

 

TOUT D’ABORD QU’EST-CE QUE L’INDIVISION ?

L’indivision est la situation dans laquelle se trouvent des biens sur lesquels s’exercent des droits de même nature appartenant à plusieurs personnes. Chacun ayant un droit de même nature sur une quote part, aucun n’ayant de droit privatif.

 

DANS QUELS CAS SUIS-JE EN INDIVISION?

L’indivision peut être conventionnelle et avoir pour origine un acte volontaire. Ce sera le cas lorsque plusieurs personnes achètent un bien immobilier ensemble : deux concubins ou encore des époux soumis au régime de la séparation des biens. L’indivision peut également être légale, s’établir de plein droit dans des cas spécifiés par la loi. Elle existe entre les cohéritiers lors de l’ouverture d’une succession. Elle est à différencier du démembrement de propriété lorsque l’usufruit (droit d’usage) et la nue-propriété sont détenus par des personnes différentes.

 

COMMENT FONCTIONNE L’INDIVISION ?

L’indivision peut être conventionnelle, c’est à dire organisée au travers d’un contrat conclu entre ses membres. À défaut d’une convention, la loi prévoit un régime légal organisé par les articles 815 et suivants du Code civil. La détention d’un bien par plusieurs personnes n’est pas simple à gérer et l’on se demande souvent comment faire pour sortir de l’indivision. Il existe plusieurs possibilités pour sortir de l’indivision, sur le terrain amiable ou par voie contentieuse.

 

COMMENT SORTIR DE L’INDIVISION À L’AMIABLE ? (PAR VOIE DE CONCILIATION)

Plusieurs voies sont possibles :
– Le partage amiable
Il nécessite l’accord de tous les indivisaires tant pour la composition que pour la répartition des lots. Par exemple, trois héritiers dans une succession composée d’un bien immobilier, de parts sociales et de liquidités ou comptes bancaires. Chaque héritier a droit à un tiers de chaque bien. Un partage devant notaire est effectué aux termes duquel l’un récupère le bien immobilier, l’autre les parts sociales et le dernier des liquidités. Les lots doivent être d’égale valeur. Dans le cas contraire, des soultes seront déterminées (somme d’argent à verser pour compenser l’inégalité des lots).

– La vente des droits indivis
Chaque indivisaire peut vendre ses droits indivis, soit à l’un de ses cohéritiers, soit à un tiers. Il faut toutefois trouver un acquéreur conscient de la situation d’indivision dans laquelle il entre et proposer la vente en priorité aux autres indivisaires (article 815-14 du Code civil).

– La vente du bien indivis
Il s’agit d’un acte dit de disposition qui nécessite le consentement de tous les indivisaires. C’est souvent dans cette situation que les tensions surviennent.
Quelles sont les solutions pour vendre un bien indivis sans l’accord de tous ?

• L’hypothèse du coindivisaire hors d’état de manifester son consentement
Par exemple une hospitalisation soudaine : la procédure de l’article 815-4 du Code civil et menant à une vente à l’amiable permet à un indivisaire d’obtenir du président du tribunal judiciaire, un mandat judiciaire d’agir au nom et pour le compte de celui qui est empêché. Ces décisions sont prises en procédures dites accélérées. Le délai d’obtention de ces autorisations varie en fonction des tribunaux.

• L’hypothèse de l’indivisaire clairement opposé à la vente
La procédure de l’article 815-5 du Code civil permet à un ou plusieurs indivisaires d’obtenir l’autorisation de vendre le bien indivis, et ainsi de passer outre l’opposition de l’indivisaire non consentant. Il faut toutefois remplir deux conditions :
– l’existence d’un refus,
– la mise en péril de l’intérêt commun.
C’est au demandeur d’apporter la preuve, par tous moyens, de la réunion de ces conditions. La jurisprudence a admis cette procédure pour permettre le règlement des droits de succession par l’ensemble des héritiers. Cette procédure n’est pas applicable en cas de démembrement de propriété si l’usufruitier refuse de vendre. Elle est également plus longue à obtenir que celle relatée ci-dessus. Une fois l’autorisation obtenue et la vente réalisée, le prix sera conservé par le notaire à défaut d’accord unanime de tous les indivisaires sur sa répartition.

• La procédure de l’article 815-6 du Code civil
Elle permet au président du tribunal judiciaire de prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun. La jurisprudence a confirmé que cette procédure permet de demander au juge la vente du bien indivis. Dans cette situation également, le prix de vente sera conservé par le notaire à défaut d’accord unanime de tous les indivisaires sur sa répartition.

• L’hypothèse du mandataire successoral
Dans le cas d’une succession la procédure de l’article 813-1 du Code civil permet à un héritier, un créancier, ou toute autre personne intéressée, de demander la nomination par le président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la succession est ouverte, d’un mandataire successoral, par exemple lorsque l’un des indivisaires décède avant le partage et qu’il y a des difficultés pour régler sa propre succession (recherche d’héritiers
nécessaire ou mésentente manifeste). Cette procédure permet au mandataire désigné de représenter l’indivisaire décédé (ses héritiers). Le mandataire pourra être autorisé à régulariser la vente du bien indivis dépendant de la succession (articles 813-4 et 814 du Code civil) et partager le prix. Il s’agit ici d’une procédure dite accélérée.

 

COMMENT SORTIR DE L’INDIVISION LORSQU’AUCUN ACCORD N’EST POSSIBLE ?

À défaut d’accord amiable, c’est la voie contentieuse qui doit être empruntée. Deux hypothèses sont présentées :

– L’hypothèse de l’indivisaire volontairement taisant 
La procédure de l’article 815-5-1 du code civil permet la vente à la majorité des deux tiers des droits indivis. Il s’agit d’une procédure menant à une vente sur adjudication c’est-à-dire une vente aux enchères publiques, à la barre du tribunal.
Cette procédure ne s’applique pas en cas de démembrement de propriété ni lorsque l’un des indivisaires se trouve hors d’état de manifester sa volonté ou qu’il est placé sous un régime de protection (tutelle, curatelle).
Par exemple, trois héritiers sont propriétaires de la maison de leurs parents, les deux frères veulent vendre et la sœur refuse de répondre ou de vendre : les deux frères qui détiennent les deux tiers du bien, peuvent obtenir l’autorisation judiciaire de vendre malgré le refus de leur sœur.
La procédure se déroule en deux étapes :
• La première étape devant le notaire
Le ou les indivisaires détenant au moins 2/3 des droits indivis (dans notre exemple les deux frères) expriment leur intention de vendre. Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires (à la sœur). Puis, dans un délai de trois mois après la signification, le notaire dresse un procès-verbal qui mentionne le comportement des autres indivisaires. Dans notre exemple, ce procès-verbal mentionnera si la sœur s’est présentée et ses raisons en cas d’opposition à la vente ou si elle ne s’est pas présentée au rendez-vous.
• La seconde étape :
Elle est judiciaire aux fins d’obtenir l’autorisation du juge. Les indivisaires détenant les 2/3 des droits indivis (les deux frères), munis du procès-verbal du notaire, assignent (leur sœur), devant le tribunal judiciaire, afin d’obtenir l’autorisation de vente. Le juge rend alors sa décision en s’assurant que la vente ne porte pas atteinte de façon excessive aux droits des autres indivisaires (dans notre exemple aux droits de la sœur).

– Le partage judiciaire
Il intervient dès qu’il y a un désaccord entre les coindivisaires sur un partage de l’indivision. Il s’agit toutefois d’une procédure lourde et complexe mais qui peut mener à l’adjudication sur licitation (vente aux enchères publiques). Elle doit être ordonnée par le juge lorsque les biens indivis ne sont pas partageables en nature, ce qui sera le cas lorsqu’un seul bien immobilier est détenu par plusieurs personnes.

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Il arrive fréquemment que des immeubles soient détenus pour l’usufruit par des parents, et pour la nue-propriété par leurs enfants. Lorsque la décision est prise de vendre cet immeuble, le notaire avertira les vendeurs sur la question de la répartition du prix de vente, qui aura des incidences notamment sur le calcul de l’impôt sur la plus-value.

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